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France Terre d’Asile (FTA)
Malte : terrain fertile d’une politique migratoire dangereuse et répressive
#Mediterranee #Libye #Malte #migrants #immigration #UE #Frontex
Article mis en ligne le 19 décembre 2025
dernière modification le 17 décembre 2025

En 2020, la pandémie de Covid-19 a vu Malte durcir fortement les possibilités d’entrée des personnes exilées sur son territoire. 5 ans après, malgré la fin de la crise sanitaire, ces politiques perdurent et les violations des droits humains se multiplient. Les ONG cherchent à se faire entendre pour dénoncer les abus commis, dans un contexte européen de plus en plus hostile à l’accueil et à l’intégration des personnes exilées.

En juin 2025, plusieurs ONG maltaises ont lancé la « Malta Migration Archive », site internet destiné à révéler les violations des droits et les atteintes à la sécurité des personnes exilées arrivant par la route de Méditerranée centrale. Depuis plusieurs années, les dénonciations des ONG s’additionnent face aux abus : détentions automatiques et arbitraires (y compris de mineurs), manque d’accès à l’aide juridique et administrative, refoulements, non-assistance aux personnes en détresse en mer, conditions de vie indignes dans les centres d’hébergement… Un rapport du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés dresse un sombre état des lieux du traitement des personnes exilées à Malte.

En parallèle, des associations dénoncent le racisme et les discriminations qui gagnent du terrain dans la société maltaise.

« Négligence institutionnelle » et détentions arbitraires (...)

Les détentions arbitraires sont parfois appliquées en mer, avant le débarquement sur l’île. En avril 2025, neuf demandeurs d’asile avaient ainsi porté plainte contre l’État pour entrave de leurs droits à la liberté et à demander l’asile, ainsi que des traitements inhumains lors de leur détention en mer. Le tribunal a reconnu la violation de leurs droits et a condamné l’État maltais à leur verser 20 000€ de dommages et intérêts. Ils faisaient partie d’un groupe de plus de 400 personnes qui, en 2020, avait été détenues sur 4 bateaux de tourisme pendant plusieurs semaines, avec un accès très limité à l’hygiène et aux soins, et sans aucune assistance juridique.

Interceptions par les autorités libyennes

Le droit international maritime impose plusieurs principes et devoirs pour les États côtiers : chacun possède une région de recherche et de sauvetage définie, attribuée par l’Organisation maritime internationale, dans laquelle il se doit de venir en aide aux personnes nécessitant une « assistance immédiate ». Depuis plusieurs années, Malte fait preuve à travers sa politique migratoire de réticence concernant sa participation aux activités de sauvetage en mer dans sa zone – ce qui constitue une violation du droit international. (...)

En mai 2020, les autorités maltaises et libyennes signaient un mémorandum d’entente visant à mettre en place deux « centres de coordination » à La Valette et à Tripoli. L’objectif affiché était de lutter contre la migration irrégulière en Libye et en Méditerranée, et de soutenir la Libye dans ses opérations de sauvetage et ses « interceptions », permettant de lutter contre « le trafic d’êtres humains ». En juillet 2024, les autorités des deux pays ont signé le prolongement de cet accord.

Cette coopération a ouvert la voie à un nombre croissant d’interceptions de bateaux par les garde-côtes libyens dans la région de recherche et de sauvetage de Malte. En 2023, une enquête de la plateforme Lighthouse Report sur la coopération entre Malte et la Libye dévoilait un témoignage glaçant : celui de Bassel. Arrêté en mer et détenu par les autorités libyennes alors qu’il souhaitait rejoindre Malte depuis le Liban, il décrit les conditions de vie et les violences subies par les personnes incarcérées en Libye. Tortures physiques et psychiques, simulations d’exécution, personnes enfermées et couvertes d’excréments et de sang, nourries un jour sur deux, parfois forcées de travailler pour racheter leur liberté. Bassel s’était confié au journal Le Monde en ces termes : « Je me demandais juste si j’allais être battu à mort ou pendu ».

Cette carte de la Méditerranée représente les régions de recherche et de sauvetage de l’Italie, la Libye et Malte, où les personnes exilées cherchant à traverser peuvent être interceptées par les milices libyennes.Les violations des droits humains perpétrées par les autorités libyennes dans ces centres de détention sont régulièrement documentées par les ONG et agences onusiennes. (...)

L’enquête a également révélé que les autorités maltaises et l’agence Frontex coopéraient avec les autorités et milices libyennes, et notamment avec la milice Tariq Ben Zeyad, dans le cadre d’interceptions et de refoulements dans la région de recherche et de sauvetage de Malte. En fournissant les coordonnées géographiques des bateaux en détresse, les autorités maltaises se déchargent de leur responsabilité concernant le sauvetage en mer, aux risques et périls des passagers des navires.

L’externalisation, logique européenne

Cette coopération répond à la logique d’externalisation de la gestion des frontières par l’UE et ses États membres, à l’image de l’accord entre l’Italie et l’Albanie, ou encore de celui entre l’Union européenne (UE) et l’Égypte. L’accord entre Malte et la Libye permet de déléguer à ce pays tiers la gestion des frontières, avant que les personnes exilées ne puissent atteindre les portes de l’UE.

Cette stratégie de déresponsabilisation des États membres peut avoir de graves conséquences sur les personnes concernées. (...)

Alors que l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, chargée de renforcer la coopération entre les États membres et de les soutenir dans la mise en œuvre de la politique européenne d’asile, siège à La Valette, les actions de Malte s’inscrivent dans la lignée des pays de l’UE, qui mènent des politiques migratoires de plus en plus répressives et attentatoires aux droits des personnes exilées. (...)