
24 heures après l’appel du président à Rodolphe Saadé, propriétaire de la Provence (et futur repreneur de BFM et RMC), le directeur de la rédaction du quotidien a été mis à pied. Et le journal s’est excusé. Museler la presse, c’est simple comme un coup de fil.
Après sa visite-surprise du 19 mars à Marseille, où il entendait incarner le combat contre le trafic de stupéfiants et annoncer son beau plan de reprise en main des points de deal - « Place nette XXL » - dans toute la France, Emmanuel Macron s’en est retourné content de lui à Paris. Tout en promettant de revenir le 8 mai sur les bords de la Méditerranée à l’occasion du passage de la flamme olympique.
Las, la presse locale n’a pas trouvé son passage si flamboyant. La Provence a fait dès le 20 mars état du virulent accrochage, intervenu à l’abri des caméras, entre le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti et les chefs de juridiction du tribunal de Marseille - procureur, président du tribunal judiciaire compris. Les magistrats marseillais ont eu le malheur de témoigner devant la commission d’enquête du Sénat sur l’impact du narcotrafic, et d’afficher un certain défaitisme. « Je crains que nous ne soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille », a notamment pointé la juge d’instruction en charge du pôle criminalité organisée au sein de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille. Un discours particulièrement mal reçu.
Des ingrats
« En gros, le ministre a reproché aux magistrats non seulement d’avoir témoigné devant le sénat, mais aussi d’être ingrats après les renforts qu’ils ont reçus. Et en prime, il les a accusés par leur discours de faire monter le RN », a résumé un témoin de la scène à Blast. Une certaine idée de la séparation des pouvoirs et de la politique pénale.
Le 21 mars, La Provence a poursuivi dans ce que certains appellent l’irrévérence, quand d’autres le nomment simplement journalisme (...)
Selon les informations de Blast, le président Macron a appelé lui-même, dès le matin du 21 mars, Rodolphe Saadé, héritier de la CMA CGM, milliardaire et nouveau tycoon des médias, propriétaire, notamment, de la Provence.
« Personne n’engueule Saadé au téléphone, assure un conseiller élyséen, mais le message est bien passé ». Pour preuve, comme l’a écrit le Monde, le directeur de publication de la Provence est convoqué par Saadé le jour-même pour se faire remonter les bretelles. (...)
Serviable, Gabriel d’Harcourt s’aplatit dans les colonnes du journal, dès le lendemain. (...)
La curée n’est pas finie. Marsactu révèle dans la foulée que le directeur de la rédaction Aurélien Viers est mis à pied, et convoqué à un entretien préalable à un licenciement. (...)
en une journée et un coup de fil à un ami, le locataire de l’Elysée a obtenu un mot d’excuse et la tête d’un journaliste.
Quant à Rodolphe Saadé, il n’a pas fait passer un message à la seule Provence. Futur heureux propriétaire de BFM et RMC, l’ami du président vient de tracer sa ligne éditoriale.