
(...) Reporterre — Que retenez-vous de l’examen de ce projet de loi Asile et immigration ?
Mélanie Vogel — Je retiens d’abord la course à l’échalote de la droite qui, pour des raisons de politique interne, a multiplié les propositions outrancières. Je note également l’ambiguïté du gouvernement qui, à de nombreuses reprises lors des débats, a exprimé très faiblement sa position. Voilà la perversion du moment politique que nous vivons : la droite souhaite apparaître plus à droite que le gouvernement, afin de s’en différencier. De son côté, l’exécutif, pour s’assurer d’avoir la majorité sur ce texte, avait déjà initialement proposé un projet de loi très à droite. Quitte à, aujourd’hui, accepter d’obtenir un accord au prix de tout ce qui fonde le modèle français, notamment en supprimant l’AME. Un mot me vient : l’enfer.
Qualifieriez-vous ce texte d’extrême droite ?
Il reprend en tout cas des propositions portées depuis très longtemps par l’extrême droite, comme la suppression de l’AME ou le durcissement des conditions de regroupement familial. Autant de mesures, qui à la base étaient considérées comme en dehors du champ républicain, qui se retrouvent aujourd’hui portées par la droite, avec la complicité du gouvernement et d’une partie de la macronie. Cela a un impact sur le débat public : depuis plusieurs semaines, le débat autour des questions migratoires est absolument immonde. (...)
’il y a deux manières d’appréhender les flux migratoires : d’une façon inhumaine, qui provoque de la souffrance, de la détresse, de la misère ; ou bien d’une façon humaine, qui provoque de l’intégration et de la solidarité — c’est cette vision-là que nous portons.
Nous voulions aussi dénoncer l’hypocrisie des sénateurs de droite et d’extrême droite : d’un côté, ils alimentent un discours de haine des étrangers, disent qu’il faut sortir de l’assistanat, etc., mais quand on leur propose par exemple de permettre aux demandeurs d’asile d’accéder au marché de l’emploi, ils refusent. C’est totalement incohérent. (...)
Pourquoi est-il important, en tant qu’écologistes, de combattre la vision de l’immigration portée par ce texte ?
À la source de l’écologie politique, il y a la notion d’interdépendance et donc de solidarité entre les humains, mais aussi entre les humains et le vivant. L’écologie ne peut donc qu’être internationaliste et humaniste, sachant que les déplacés climatiques vont être de plus en plus nombreux. En tant qu’écologistes, il est important de se mobiliser dans ce moment de montée du racisme et de banalisation des idées d’extrême droite. Les écologistes ne sont pas uniquement là pour sauver la planète : nous voulons que les humains vivent bien sur cette planète et qu’ils aient un avenir fait de solidarité, de droits et de libertés.