
Refuser l’accès d’un journaliste à un événement visant à éclairer le débat politique est contraire à nos libertés fondamentales démocratiques.
La liberté d’informer n’est ni un délit ni une faveur. Le journal Le Monde, par la voix de son directeur Jérôme Fenoglio, a fait savoir, jeudi 21 août dans la soirée, que le journaliste qui avait été missionné pour suivre les universités d’été de La France insoumise (LFI) s’était vu refuser son accréditation à cet événement public, organisé du 21 au 24 août à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme). Motif ? Le journaliste en question, Olivier Pérou, serait persona non grata en tant que coauteur d’un livre, La Meute, consacré au fonctionnement interne du parti de Jean-Luc Mélenchon. Publié en mai 2025, cet ouvrage, coécrit avec la journaliste de Libération Charlotte Belaïch, a fait l’objet d’une recension dans Mediapart. (...)
Dans une réaction transmise à l’AFP par leur service de presse, les dirigeants de LFI justifient leur refus par le fait que « les principes qui régissent la liberté d’information sont assortis de règles déontologiques (respect du contradictoire, protection de la vie privée, rigueur, sources multiples) ». Selon eux, ce journaliste aurait « lourdement diffamé » et aurait « inventé de fausses informations » sur la vie interne du mouvement. Aussi inviteraient-ils le quotidien du soir à choisir un autre journaliste. « La rédaction du Monde est tout à fait la bienvenue pour couvrir cet événement », ajoutent-ils sans rire. (...)
Diffamation ? Fake news ? Les accusations sont lourdes. Et relèvent du judiciaire. Les journalistes ne sont pas au-dessus des lois. Pourtant, aucune plainte n’a, à ce stade, été déposée devant la justice. Et quand bien même : bannir un journaliste d’un événement, c’est une censure (préalable en l’occurrence), c’est l’empêcher d’accéder à des sources et de faire son travail librement.
La liberté d’informer n’est pas négociable. Elle est un droit fondamental, qui permet, avec les autres contre-pouvoirs constitutifs d’une démocratie digne de ce nom (et notamment la justice), de garantir aux citoyen·nes le droit de savoir ce que font, disent, prévoient et, éventuellement, cachent ceux et celles qui les gouvernent, mais aussi ceux et celles qui prétendent vouloir les gouverner.
La liberté d’informer n’est pas un privilège que l’on accorde à tel ou tel, en fonction de sa carte de visite. Prétendre cibler un·e journaliste en particulier et non le média pour lequel il travaille, comme le suggère LFI dans sa réaction, est un leurre (...)
Les universités d’été d’un mouvement politique ne sont pas une soirée privée. Dans un pays démocratique, elles s’inscrivent dans une agora qui suppose une information fiable et pluraliste. D’autant plus quand elles visent à préparer l’éventuelle sanction d’un premier ministre, ainsi que des élections municipales (en 2026) et l’élection présidentielle (en 2027).
Les entraves à la liberté de la presse venues de partis d’extrême droite, en l’occurrence du Front national et du Rassemblement national, sont récurrentes. Nous avons eu l’occasion de les dénoncer à maintes reprises (...)
De la part de formations politiques supposées attachées aux libertés publiques, a fortiori lorsqu’elles prétendent comme LFI démocratiser la République, elles sont plus stupéfiantes encore, surtout quand elles sont le fruit d’un long processus de mise au ban, comme le documente Libération, et quand elles s’inscrivent dans une relation conflictuelle assumée avec une profession qualifiée en bloc de « parti médiatique ».
Au moment où Donald Trump refuse d’accréditer des journalistes à la Maison-Blanche, les attaques, d’où qu’elles viennent, doivent cesser, sous peine de fragiliser notre espace vital démocratique.