
La Haye et Kampala ont signé jeudi une lettre d’intention, en vue d’un prochain accord pilote, qui prévoit d’envoyer les sans-papiers présents aux Pays-Bas vers l’Ouganda. Le plan vise les personnes déboutées de l’asile aux Pays-Bas et originaires de pays voisins de l’Ouganda. Avec ce partenariat, "les Pays-Bas démontrent leur rôle de pionnier en Europe en matière de solutions innovantes pour maîtriser les flux migratoires", s’est félicité le ministre néerlandais de l’Asile et de la Migration.
Évoqué pour la première fois l’année dernière, l’accord entre les Pays-Bas et l’Ouganda semble se concrétiser. Jeudi 25 septembre, les deux pays ont signé, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New-York, une lettre d’intention visant à créer un centre de retour en Ouganda pour les demandeurs d’asile déboutés aux Pays-Bas.
Le plan vise les personnes déboutées de l’asile et originaires de pays voisins de l’Ouganda qui doivent quitter les Pays-Bas mais qui "ne le font pas volontairement" ou lorsque "le retour forcé direct vers leur pays d’origine échoue ou ne peut être mis en œuvre dans un délai raisonnable", indique un communiqué du ministère néerlandais de l’Asile et de la Migration.
"Les personnes concernées seront hébergées temporairement en Ouganda dans un centre d’accueil. De là, elles devront retourner dans leur pays d’origine", précise le communiqué. "Comme aux Pays-Bas, l’objectif est que ces personnes retournent volontairement d’Ouganda, où une aide au rapatriement leur sera à nouveau proposée". (...)
Les centres de transit construits en Ouganda seront "conformes au droit national, européen et international", et "les modalités juridiques et pratiques seront élaborées avec le plus grand soin et dans le respect des droits de l’Homme", assure le ministère néerlandais de l’Asile et de la Migration. "Nous devons nous concentrer davantage sur ce qui est réalisable, plutôt que sur ce qui ne l’est pas. C’est pourquoi nous prenons cette mesure avec l’Ouganda pour maîtriser les flux migratoires. Il est évident que les droits humains des personnes qui retournent dans leur pays d’origine via l’Ouganda seront protégés", insiste le ministre David van Weel.
Pour l’heure, seuls les principaux contours de cet accord ont été esquissés. La lettre d’intention doit aboutir à "un projet pilote à petite échelle impliquant un centre de transit pour un nombre limité de ressortissants étrangers devant quitter les Pays-Bas", peut-on lire dans le communiqué.
Avec ce partenariat, "les Pays-Bas démontrent leur rôle de pionnier en Europe en matière de solutions innovantes pour maîtriser les flux migratoires", se félicite le ministère néerlandais de l’Asile et de la Migration.
En Ouganda, un "bilan en matière de droits de l’Homme discutable"
Lors de l’annonce de ce projet en octobre 2024, les défenseurs des droits avaient fait part de leur inquiétude en rappelant notamment que l’Ouganda est régulièrement critiqué pour son bilan en matière de droits de l’Homme. "Je suis sous le choc : alors que Londres vient de mettre un terme à son projet avec le Rwanda, on discute exactement de la même chose ici", s’était insurgé à l’époque Lewingstone Ssenwanyana, directeur exécutif de la Fondation pour les droits de l’homme (FHRI), une organisation ougandaise de la société civile.
"Il n’est effectivement pas juste qu’un demandeur d’asile soit renvoyé dans un pays dont le bilan en matière de droits de l’Homme est très discutable. Par ailleurs, tout le monde connaît le principe du non-refoulement d’un individu, quel qu’il soit, vers un pays ou vers une région où celui-ci risque d’être maltraité. L’envoyer en Ouganda, c’est donc rendre très probable le risque qu’il soit persécuté, ce qui serait pour le moins malvenu. J’invite donc le gouvernement néerlandais à reconsidérer cette mesure !", avait-il poursuivi. (...)
Manifestation contre l’immigration
L’accord entre La Haye et Kampala intervient avant les élections prévues fin octobre aux Pays-Bas, à la suite de la chute du gouvernement néerlandais lorsque le dirigeant d’extrême droite Geert Wilders a retiré son parti de la coalition au pouvoir après un désaccord sur les règles d’asile. Geert Wilders a en effet exigé des restrictions drastiques en matière d’asile, notamment un gel des demandes, des limites au regroupement familial et l’arrêt de la construction de nouveaux centres d’accueil. (...)
Comme dans de nombreux pays d’Europe, le débat s’enflamme aux Pays-Bas ces derniers mois sur les questions migratoires. Samedi 20 septembre, des milliers de personnes vêtues de noirs ont participé à La Haye à une manifestation organisée par un activiste d’extrême droite réclamant des politiques d’immigration plus strictes et une répression contre les demandeurs d’asile.
Le rassemblement a viré à l’émeute : environ 1 500 personnes se sont rassemblées sur une autoroute urbaine traversant la capitale néerlandaise où des émeutiers ont affronté les forces de l’ordre, jetant des pierres et des bouteilles sur elles et mettant notamment le feu à une voiture de police sérigraphiée. La police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogène pour les disperser, a annoncé l’agence de presse néerlandaise ANP.
Les manifestants s’en sont également pris au local d’un parti politique, le D66 (social-démocrate, centre), dont les vitres ont été brisées. Il n’y avait personne dans les locaux à ce moment. Un petit groupe d’émeutiers s’est aussi dirigé vers le complexe du Parlement néerlandais, actuellement clôturé en raison de travaux de rénovation qui durent depuis des années. La police les a empêchés d’accéder à la zone largement déserte. (...)