
Un objectif « audacieux », mais une « nécessité » : les compagnies aériennes du monde entier se sont engagées lundi à parvenir à « zéro émission nette de CO2 » d’ici à 2050, alors qu’elles souffrent encore de la crise sanitaire.
Avec cette annonce, à quelques semaines de la COP26 et au moment où les signes du dérèglement climatique se multiplient, l’Association internationale du transport aérien (Iata) veut « assurer la liberté de voler des générations futures », a déclaré le directeur général de l’organisation représentant 290 compagnies, Willie Walsh.
L’Iata, dont les membres réalisaient 82% du trafic mondial avant la pandémie, s’était fixée en 2009 l’objectif de diviser par deux l’empreinte carbone du secteur en 2050 par rapport à 2005.
« Mais la science nous dit que la situation est encore plus urgente que nous le pensions », et l’objectif d’il y a 12 ans « n’est tout simplement pas assez ambitieux », a concédé M. Walsh, face aux dirigeants d’entreprises aériennes réunis en assemblée générale à Boston (États-Unis).
L’Iata emboîte ainsi le pas au secteur aérien européen, qui a épousé les objectifs de l’Union européenne en la matière.
Pour parvenir à « zéro émission nette », l’aérien - dont les émissions représentent actuellement quelque 3% du total mondial - compte sur des carburants renouvelables, des avancées technologiques comme des aéronefs électriques ou fonctionnant à l’hydrogène, mais aussi sur la capture de carbone et des mesures de compensation.
Ces dernières sont toutefois décriées par les défenseurs de l’environnement car inefficaces selon eux.
Preuve de la bonne foi des compagnies, selon M. Walsh, celles-ci ont investi « des centaines de milliards de dollars dans des avions plus économes en carburant, et la consommation moyenne des flottes a baissé de plus de 20% en une décennie ».
Le durcissement des objectifs n’a pas donné lieu à un vote, conformément aux statuts de l’Iata, mais a été adopté par consensus, aucune compagnie membre n’ayant levé d’objection ferme qui aurait bloqué l’adoption.
Le processus a néanmoins été marqué par des remarques de compagnies chinoises, car l’objectif de 2050 n’était pas cohérent avec celui adopté par le gouvernement de Pékin, une neutralité carbone en 2060. La prochaine assemblée générale de l’Iata aura justement lieu en juin 2022 à Shanghaï (Chine). (...)
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Aéronautique : « La transition écologique impose une profonde transformation de notre industrie »->https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/aeronautique-la-transition-ecologique-impose-une-profonde-transformation-de-notre-industrie_6041127_3232.html]
Le progrès technique ne suffira pas à la diminution des émissions de gaz à effet de serre des avions, indispensable contre le réchauffement climatique, affirment plus de 700 étudiants du secteur de l’aéronautique dans une tribune au « Monde », qui plaident en faveur de reconversions industrielles et d’une réduction du trafic aérien. (...)
Tribune. Nous, étudiants du secteur de l’aéronautique, adressons cette tribune aux décideurs politiques et industriels. Elle a pour but de les informer de la prise de position d’une tranche sinon majoritaire, du moins significative des futurs acteurs de l’aéronautique française en faveur d’une transformation structurelle profonde de ce secteur.
Le transport aérien cristallise les débats depuis de nombreuses années. Ses détracteurs l’accusent d’être la figure de proue d’un système qui mène au réchauffement climatique et à des destructions aux conséquences encore mal connues. Ses défenseurs soulignent son importance pour l’économie mondiale et les millions d’emplois qu’il représente.
L’actuelle crise sanitaire mondiale met en évidence ses fragilités. Nous pensons qu’il faut profiter de cette occasion pour rebâtir un secteur aérien résilient, respectant l’objectif des accords de Paris [sur le climat de 2015] consistant à limiter le réchauffement global à moins de 2 °C.
Si ce secteur participe à hauteur de 4,9 % au réchauffement global, en comptabilisant ses effets induits, l’impact d’un vol sur le bilan carbone d’un individu est autrement plus conséquent.
Une politique de compensation inadaptée (...)
Faut-il, pour cela, compter sur les seules innovations ? Certes, de grands progrès ont été accomplis depuis le début de l’aviation commerciale. En soixante-dix ans, selon les chiffres du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), la consommation des avions au siège par kilomètre a baissé de 80 %. Mais la cadence actuelle de réduction des émissions, environ 1 % à 2 % par an, est insuffisante face au taux de croissance annuel du secteur, qui dépasse les 5 %.
Les acteurs aéronautiques utilisent donc des moyens détournés pour atteindre leurs objectifs carbone : compensation des vols par la plantation de forêts, investissements financiers « verts »… Cette politique atteste bien d’une volonté de l’industrie de se défaire de l’image de gros émetteurs de gaz à effet de serre, mais elle reste inadaptée à l’ampleur des enjeux. Les rares programmes de réduction d’émissions, comme Corsia [Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation], sont encore rudimentaires et insuffisants. (...)