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France24
Les ambitions de Bruno Retailleau à l’épreuve des centres de rétention administrative
#migrants #immigration #CRA #Retailleau
Article mis en ligne le 17 octobre 2024
dernière modification le 16 octobre 2024

Tout juste nommé ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau multiplie les annonces sur la lutte contre l’immigration clandestine en France. Il a promis d’augmenter le nombre de places dans les centres de rétention administrative (CRA), et de rallonger la durée maximale de rétention pour faciliter les expulsions. Mais la réalité est plus complexe.

(...) Vendredi 11 octobre, Bruno Retailleau a profité d’une visite au centre de rétention administrative du Mesnil (Seine-et-Marne), l’un des 25 centres de détention pour étrangers en attente d’expulsion (dont quatre en Outre-mer), pour dévoiler son nouveau plan sur l’expulsion des migrants en situation irrégulière. Selon le rapport annuel de la Cimade publié en avril 2024, sur les 17 000 étrangers retenus en France métropolitaine en 2023, seuls 36 % ont été effectivement éloignés. Souvent, les pays d’origine refusent de délivrer le laissez-passer consulaire, nécessaire à l’expulsion. Pour les Algériens, les Tunisiens et les Marocains, qui représentent la moitié des personnes enfermées en CRA, les procédures d’éloignement échouent dans 75 % des cas.

Conscients de ce levier, les pays du Maghreb n’hésitent pas à couper le robinet à chaque crise diplomatique. (...)

Ce n’est pas acceptable", s’est d’ailleurs agacé Bruno Retailleau dans Le Figaro.
Situations "kafkaïennes"

Faute d’un mauvais examen de leur situation administrative, de nombreux étrangers enfermés en CRA finissent aussi libérés. (...)

Avocat au barreau de Paris, Samy Djemaoun s’est habitué aux enfermements abusifs : "Cet été, j’ai eu le cas d’un Gazaoui, père d’enfant français et marié avec une française. Il n’avait pas renouvelé son titre de séjour et s’est fait enfermer en CRA après une garde à vue, bien qu’il n’ait pas été poursuivi. La préfecture a contacté le consul de Palestine en France pour demander un laissez-passer consulaire. Ils n’ont évidemment pas eu de réponse et j’ai pu le faire faire libérer sur l’irrecevabilité de la demande de prolongation du préfet", se félicite l’avocat. "La France demande un laissez-passer consulaire à un pays, qu’elle ne reconnaît pas et où tous les jours des civils se font tuer. La démarche est kafkaïenne !" (...)

Le nouveau ministre de l’Intérieur souhaite accélérer la construction des 1 000 places supplémentaires, actées sous son prédécesseur, pour porter à 3 000 le nombre de places en CRA d’ici 2027. Il souhaite surtout augmenter la durée maximale d’enfermement de 90 à 210 jours : "Pour les crimes les plus graves, notre main ne doit pas trembler : il faut aller jusqu’à 180 jours, voire 210 jours", prévient-il dans Le Figaro.

Une vieille rengaine. En réalité, la durée maximale de rétention n’a cessé d’augmenter depuis la création des CRA. (...)

Pourtant, cette mesure n’a que peu d’impact sur l’efficacité des éloignements : en France, plus de 81 % d’entre eux sont réalisés durant les 45 premiers jours de la rétention, contre moins de 8 % au-delà de 60 jours, rappelle la Cimade dans son rapport. "Si l’on souhaite expulser davantage, ce n’est pas justifié. La raison officieuse, c’est d’enfermer des personnes étrangères qu’on ne veut plus voir dans notre société", analyse Paul Chiron, qui parle de "détournement sécuritaire".

Des CRA épinglés pour "conditions indignes" (...)

À l’origine, les CRA avaient été conçus pour laisser le temps à l’administration de préparer l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Aujourd’hui, un quart de leur population sont des personnes sortant de prison. Leur part a même doublé depuis 2018, selon le rapport de la Cimade. "Il y a une confusion sur l’objectif de la rétention, qui n’a pas de vocation pénale. La rétention administrative est désormais considérée comme une annexe aux prisons", dénonce Mathilde Buffière, responsable du service rétention chez SOS solidarités.

L’année dernière, certains CRA, comme Lyon Saint-Exupéry ou le Mesnil, ont été épinglés par la contrôleure générale des lieux de privation de libertés pour leurs "conditions indignes". (...)