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Mediapart
Légion d’honneur : Macron offre un passe-droit à Sarkozy
#Macron #Sarkozy #legiondhonneur
Article mis en ligne le 29 avril 2025
dernière modification le 27 avril 2025

L’actuel chef de l’État s’oppose au retrait des décorations de Nicolas Sarkozy au nom du « respect » dû à l’ancien président. En janvier, la grande chancellerie de la Légion d’honneur affirmait pourtant à Mediapart que cette sanction était de droit.

Il n’est plus présumé innocent, mais bénéficie toujours de la même bienveillance de la part d’Emmanuel Macron. Définitivement condamné pour corruption depuis le rejet de ses pourvois en cassation dans l’affaire Bismuth, le 18 décembre 2024, Nicolas Sarkozy était menacé de radiation des ordres nationaux, Légion d’honneur et ordre national du Mérite. Mais le risque de se voir infliger cette sanction infamante s’est éloigné, jeudi 24 avril.

Après plusieurs semaines de tensions au plus haut sommet de l’État, l’actuel président de la République s’est officiellement déclaré opposé à la déchéance de son prédécesseur, avec qui il entretient les meilleures relations depuis 2017. « Compte tenu du fait qu’il a été élu président par le peuple souverain, il y a maintenant un peu plus de dix ans, je pense qu’il mérite le respect », a notamment justifié Emmanuel Macron face à plusieurs journalistes, lors d’un déplacement à Madagascar. (...)

Dans un propos alambiqué, le chef de l’État a aussi rappelé que le « président Sarkozy » avait « certes épuisé [ses] voies de recours en France » mais a tout de suite cru bon de mentionner son « recours devant les autorités européennes », quand bien même cette saisine de la Cour européenne des droits de l’homme n’a aucune conséquence sur le caractère définitif de sa condamnation pénale.

Le lieu où il a tenu ces propos est par ailleurs fort symbolique puisque Emmanuel Macron avait justement envoyé à Madagascar Nicolas Sarkozy pour représenter la France en 2019. (...)

Maintenant que la situation pénale de l’ex-président est définitive dans l’affaire Bismuth, les règles pour ses décorations sont claires : dans son article R.91, le Code de la Légion d’honneur prévoit que les personnes « condamnées à une peine d’emprisonnement sans sursis égale ou supérieure à un an » sont tout simplement « exclues de l’ordre ». Et le Code ne prévoit aucune exception, même pour un ancien chef de l’État qui occupe le plus haut rang, celui de grand-croix.

« En raison de sa condamnation définitive à un an ferme d’emprisonnement, Nicolas Sarkozy encourt une exclusion de droit de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite dont il est grand-croix, selon le Code de la Légion d’honneur », confirmait ainsi la grande chancellerie par écrit à Mediapart en janvier, un mois après nos révélations sur le fait que le dossier de radiation de Nicolas Sarkozy – comme celui de son premier ministre François Fillon – avait été préparé par les services administratifs.

Auprès de Mediapart, plusieurs membres du conseil de l’Ordre – l’organe qui doit être saisi pour lancer les sanctions disciplinaires – ont aussi défendu cette interprétation stricte du droit, avant d’être rejoints par le grand chancelier en personne au mois de mars. « Je suis citoyen français, je ne peux pas imaginer que la loi ne s’applique pas », a affirmé le général François Lecointre en conférence de presse.

Ces déclarations visaient notamment à rassurer les récipiendaires de la Légion d’honneur s’étant montrés inquiets de la possibilité d’un traitement de faveur de l’ancien président, dans un contexte de défiance vis-à-vis de la gestion des ordres. (...)

Les arguments du camp Sarkozy repris par Macron

La menace d’un retrait de décorations s’approchant, le camp de l’ancien chef de l’État a rapidement réagi (...)

Lors de son interview à Madagascar, Emmanuel Macron, qui s’était déjà opposé à toute sanction disciplinaire contre l’acteur Gérard Depardieu, mis en cause par de nombreuses femmes pour des violences sexistes et sexuelles, s’est ainsi montré inflexible au sujet du cas Sarkozy. « Je ne prendrai aucune décision de ce type », a-t-il affirmé, avant de mettre publiquement la pression sur le général Lecointre. « Il y a un Code », a rappelé le président, avant d’affirmer que « le grand chancelier est en train de regarder cela, de regarder quelles sont ses marges de manœuvre » pour créer une exception.

« Si la marge de manœuvre m’est donnée, je préférerais qu’un ancien président reste là où il est dans l’Ordre », a-t-il encore insisté, laissant entrevoir l’importance des pressions exercées par l’Élysée sur la grande chancellerie pour qu’elle sorte désormais de son chapeau une solution miracle.