
(...) La Commission européenne voulait prolonger l’autorisation du glyphosate pour dix ans. Sa proposition n’a pas obtenu la majorité qualifiée, c’est-à-dire l’approbation d’au moins 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population européenne. Une nouvelle réunion pour décider du sort de la substance herbicide doit donc se tenir dans les semaines à venir, courant novembre.
Le suspens a pris fin quand, à la mi-journée, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé que la France s’abstenait. Une majorité d’États, notamment d’Europe de l’Est et du Sud, étaient prêts à resigner pour 10 ans. Mais l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, avaient fait savoir qu’ils s’abstiendraient ou voteraient contre.
Le résultat était donc suspendu à la position de la France, qui demandait à la Commission européenne un maximum de sept ans et certaines restrictions. Finalement, les discussions n’ont pas abouti.
10 ans sans conditions, trop long pour la France (...)
L’eurodéputé écologiste Benoît Biteau a dénoncé « la honte de l’abstention », rappelant qu’en 2017 Emmanuel Macron avait promis d’en sortir dans les trois ans, et que six ans plus tard, la France s’est certes abstenue mais proposait sept ans et n’a pas voté contre une réautorisation pour dix ans.
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Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé a classé en 2015 comme « cancérogène probable » cet herbicide. De même, l’Institut national de recherche médicale (Inserm) a réalisé une étude en juin 2021 sur les effets du glyphosate sur la santé pointant « la présomption de lien entre le glyphosate et le lymphome non hodgkinien (cancer du sang NDLR) ».
À l’inverse en juillet dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a indiqué n’avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation du glyphosate. C’est cet avis de l’EFSA qui a poussé la Commission européenne à proposer en septembre de prolonger de dix ans l’autorisation du glyphosate sur le sol européen. Une proposition rejetée, donc, par la majorité des Vingts-Sept ce vendredi.
Évaluation incomplète ? (...)
le CIRC ou l’Inserm ne se basent pas sur les mêmes données que les agences réglementaires, comme l’EFSA, pour évaluer la dangerosité d’un produit. D’un côté, le CIRC considère des études publiées par des chercheurs du monde académique pour identifier les substances cancérigènes. De l’autre, l’EFSA s’appuie aussi sur la littérature scientifique, mais surtout sur des études fournies par des industriels (...)
Par ailleurs, dans son évaluation, l’agence de réglementation européenne ignore de nombreux critères, dont l’« effet cocktail », soit la toxicité du mélange du glyphosate avec d’autres substances actives présentes dans un produit. D’après une étude publiée dans la revue Toxicology en 2013 et citée par le média Basta, des formulations du Roundup se sont montrées 10 à 1000 fois plus toxique que le glyphosate seul.
L’EFSA ne prend pas non plus en compte les effets des perturbateurs endocriniens, ces substances dangereuses qui altèrent le système hormonal. Ou encore la toxicité du glyphosate pour les plus vulnérables, comme les enfants ou les femmes enceintes. (...)
S’il existe des divergences entre instituts scientifiques indépendants et agences réglementaires, Laurence Huc est formelle : « du côté des toxicologues, tous sont d’accord pour dire que le glyphosate est cancérigène, génotoxique (capacité d’une substance à altérer l’ADN NDLR), perturbateur endocrinien, toxique pendant la grossesse... »
Ce sont bien évidemment les professionnels, « les personnes qui fabriquent ces substances chimiques, et les personnes qui les utilisent, comme les agriculteurs », qui sont les plus exposés aux maladies liées aux pesticides, précise la chercheuse. (...)
« Il existe aujourd’hui un faisceau de preuves scientifiques indiquant que le glyphosate est une cause possible de Parkinson », ont également alerté deux médecins néerlandais dans une tribune publiée ce mercredi dans Le Monde. Ils ont par ailleurs appelé les pouvoirs publics à concevoir un nouveau cadre d’évaluation des pesticides « ciblant les risques de développer des pathologies neurodégénératives ».
Europe contaminée
Et malheureusement, les professionnels ne sont pas les seuls à être touchés par les effets collatéraux du glyphosate. « Les pesticides se déplacent et contaminent les milieux que ce soit l’air, l’eau, ou le sol » (...)
Malgré de très nombreuses alertes émises par des scientifiques, l’Union européenne patine à restreindre l’utilisation du glyphosate sur son territoire. (...)