
Le Sénat a voté lundi une proposition de loi pour retirer aux associations présentes dans les centres de rétention administrative (CRA) leur mission de conseil juridique aux étrangers retenus en vue de leur expulsion. Si le texte est adopté, cette mission sera confiée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
À 227 voix contre 113, les sénateurs ont adopté lundi 13 mai une proposition de loi pour retirer aux associations présentes dans les centres de rétention administrative (CRA) leur mission de conseil juridique aux étrangers.
S’il est adopté, le texte prévoit que les associations seront remplacées par les agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), un organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Aujourd’hui, cinq associations comme la Cimade, France terre d’asile ou encore Solidarité Mayotte interviennent dans les 25 centres de rétention administrative français. Chaque année, elles portent conseil à près de 40 000 étrangers en situation irrégulière. (...)
Lors de l’examen de loi lundi, le député communiste Ian Brossat a dénoncé, lui, un texte qui "met à mal les principes fondamentaux de l’État de droit". "L’objectif n’est pas de rendre le droit plus clair mais inaccessible", a-t-il tancé.
"La seule source indépendante" sur les CRA
Les associations concernées sont, elles aussi, vent debout contre cette proposition de loi. "Ce qui est proposé ne garantira pas le droit aux recours des personnes. Les associations qui interviennent dans les CRA aujourd’hui jouent un rôle important. Elles informent sur les droits, elles aident les personnes à exercer les recours à leur arrivée au centre et tout au long de l’enfermement", explique à InfoMigrants Claire Bloch, chargée de soutien aux équipes et projet rétention à la Cimade.
Le transfert du travail associatif vers l’Ofii pour informer les étrangers retenus et, dans un deuxième temps, vers les avocats pour l’assistance juridique pose aussi question. "Il y a un gros problème en termes de compatibilité car en rétention, ce sont des recours et procédures d’urgence donc il faut réagir en 24/48h. J’ai un doute sur la compatibilité de ce nouveau dispositif avec la réalité du terrain", ajoute Claire Bloch. (...)
"On voit qu’il y a encore 44% des personnes placées en centre qui ont été libérées par le juge donc on se rend compte que ce contentieux est utile", complète Mathilde Buffière, responsable de la rétention pour Groupe SOS. (...)
Cette dernière s’inquiète surtout de voir disparaitre, avec le départ des associations, "la seule source indépendante" sur les CRA. "Le fait de se priver de cette présence-là est assez dangereuse sur le droit de regard de la société civile dans les CRA", ajoute Mathilde Buffière. Chaque année, les associations publient un rapport national révélant les chiffres d’occupation et les conditions de vie dans les centres de rétention administrative en France. "On est là aussi au quotidien pour constater les conditions d’enfermement, les pratiques parfois illégales, pour saisir le défenseur des droits ou le contrôleur général des lieux de privation de liberté", selon Claire Bloch.
Et d’ajouter : "On peut d’ailleurs constater que dans les locaux de rétention administrative où il n’y a pas nécessairement de présence associative, on n’a aucune information sur ce qu’il s’y passe. Le ministère ne communique pas sur le nombre de personnes enfermées, la durée d’enfermement, etc… Cela confirme à quel point les acteurs associatifs indépendants dans les CRA sont essentiels". (...)
Cette proposition de loi est désormais transmise à l’Assemblée nationale avec une "procédure accélérée" d’examen activée par le gouvernement. Elle fait partie d’un triptyque d’initiatives des sénateurs LR sur l’immigration ces dernières semaines. L’une d’elles vise à étendre la durée maximale de rétention dans les CRA de 90 à 210 jours aux étrangers condamnés pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. L’autre à conditionner l’octroi de certaines prestations sociales aux étrangers à une durée de résidence en France d’au moins deux ans.