
Professeur des écoles à Lyon, François est père d’un enfant de 2 ans. Alors que l’État reconnaît sa paternité, l’Éducation nationale s’obstine à le considérer « sans enfant », lui bloquant l’accès aux divers dispositifs prévus par la fonction publique pour les familles. La justice administrative est saisie.
En 2023, avec son mari, le quadragénaire a eu recours à une GPA (gestation pour autrui) au Canada. Les deux pères ont été inscrits d’office sur l’acte de naissance canadien, et en France, ils ont rapidement effectué les démarches auprès de l’État pour qu’il en soit de même. Avec succès : sur l’acte de naissance français de l’enfant, que Mediacités a pu consulter, figurent bien les deux époux comme pères de l’enfant. Mais, aux yeux de l’Éducation nationale et du rectorat de Lyon, François n’a pas d’enfant.
Au‐delà de la violence symbolique que cette non‐reconnaissance de paternité représente pour François, les conséquences sont aussi très concrètes. Au moment de partir au Canada pour la naissance de son enfant, François fait une demande de congés d’adoption, d’une durée légale de seize semaines dans la fonction publique. La demande est acceptée : « La gestionnaire chargée de mon dossier a été ravie de nous appeler pour nous expliquer que, si on envoie l’acte de naissance, c’est bon pour mon congé. Et elle raccroche en disant : “On se revoit en mars !” », explique François à Mediacités. Le rectorat trouve même un remplaçant pour officier dans l’école pendant l’absence du néo‐papa.
Privé de congés « enfant malade » et de temps partiel
Quelques semaines plus tard, celui qui enseigne depuis plus de dix ans s’inquiète toutefois : il n’a pas de trace écrite de cette autorisation de congés. À deux reprises, en décembre et en janvier, il essaie de se renseigner. Ce n’est qu’en février 2024 qu’il reçoit un courrier, qui le stupéfie : « Il est écrit que je ne peux pas bénéficier du congé octroyé, et que je suis donc placé en congé sans solde, que je vais être saisi sur salaire de la somme que je dois au rectorat, mais qu’on m’autorise à rester chez moi jusqu’au 4 mars. »
Pour le couple, c’est financièrement impossible. François décide alors de retourner en classe. « Mais j’ai craqué peu de temps après. J’ai été placé en arrêt de travail, mis sous antidépresseurs et je suis allé consulter un psychologue », raconte‐t‐il. Il dépose un recours gracieux pour faire reconnaître son congé d’adoption, qui n’aboutit pas. Le professeur intente alors une action devant le tribunal administratif. L’audience doit se tenir fin 2025.
Outre ce congé, François n’a pas droit aux dispositifs prévus par l’Éducation nationale pour les parents. (...)
« Ma hiérarchie a malgré tout accepté mon congé mais n’a pas pu le placer comme jours “enfant malade” puisque je ne suis pas père à leurs yeux », indique François. L’enseignant ne bénéficie pas non plus du supplément salarial auquel ont droit tous les parents fonctionnaires, ni du temps partiel qu’il souhaiterait et qui serait de droit s’il était reconnu père.
Cette année, François a fait sa rentrée début septembre, avant d’être de nouveau placé en arrêt de travail. Dans un signalement effectué auprès de sa hiérarchie en juillet dernier, que Mediacités a pu consulter, François évoque un « stress constant » de voir « toutes [s]es démarches liées à [s]a parentalité bloquées alors que, pour l’état civil, tout est en ordre ».
Le professeur évoque un sentiment d’« insécurité chronique », une « pression intenable avec de graves répercussions sur [sa] santé psychique et mentale », des « angoisses permanentes, un épuisement, des troubles du sommeil et de l’alimentation ». Et d’évoquer des « pensées sombres ».
Une « LGBTphobie structurelle »
Dans un communiqué, SUD Éducation Rhône dénonce « une atteinte manifeste à l’égalité de traitement entre les agent·es publics, une LGBTphobie structurelle entretenue par des pratiques administratives illégales et un non‐respect de la législation française sur la filiation, la parentalité et les droits des familles. » Le syndicat « exige la mise à jour immédiate de la situation administrative de [son] collègue, le versement rétroactif de l’ensemble des droits et indemnités non perçus, des excuses officielles du rectorat, et une formation des cadres administratifs pour que cessent ces discriminations ». (...)
Contacté par Mediacités, le rectorat de Lyon reconnaît qu’un « flou existe autour de la réglementation de l’Éducation nationale, dû à l’absence de jurisprudence et de consignes précises sur le sujet de la reconnaissance de paternité dans une telle situation ». Néanmoins, il affirme que « ses services travaillent activement à une résolution adéquate de la situation ».
François et son mari attendent un deuxième enfant pour la fin du mois de septembre. Dans le but de pouvoir prendre un congé parental, l’enseignant a de nouveau effectué les démarches pour mettre à jour son dossier. En vain, jusqu’à présent.