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Mediapart
Le procès de Bardella contre « Libération » se retourne contre lui
#Bardella #Liberation
Article mis en ligne le 4 février 2025
dernière modification le 2 février 2025

Le président du Rassemblement national avait attaqué le quotidien, après une enquête mettant en doute son travail d’assistant au Parlement européen. Le procès n’a pourtant fait que confirmer le sérieux de l’investigation. La procureure a demandé la relaxe du journal.

L’article avait paru au lendemain du réquisitoire définitif du parquet dans l’affaire des assistants parlementaires – dont le procès s’est tenu en octobre et novembre 2024. Libération soulignait que le président du RN n’avait jamais été entendu dans cette affaire, alors même qu’il avait été embauché comme collaborateur de l’eurodéputé Jean-François Jalkh – lui-même poursuivi dans le dossier – entre février et juin 2015, pour un salaire de 1 200 euros net.

Jordan Bardella avait alors attaqué Libération en diffamation, mais seul le titre de l’enquête – « Jordan Bardella, l’assistant parlementaire fantôme passé entre les gouttes de la justice » – était poursuivi.

Dans sa défense, l’avocat du quotidien met en avant les différentes pièces versées au dossier pour justifier le « sérieux de l’enquête » des journalistes, comme cet agenda-calendrier rempli d’images d’avions militaires d’« exception », qui justifie sa boutade sur les goûts de Jordan Bardella. Censé lui appartenir lorsqu’il était en fonction au Parlement européen, le carnet est seulement gribouillé de quelques rendez-vous pour Jean-François Jalkh. (...)

Mais Libération s’est surtout procuré le bon de commande du fameux agenda, acheté en réalité trois ans après la fin du contrat d’assistant parlementaire et livré au siège du RN en 2018. « L’agenda, c’est un faux. Jordan n’a jamais écrit ces trucs-là, il a vu, cela ressemble à son écriture, mais ce n’est pas la sienne », avait d’ailleurs reconnu l’avocat et eurodéputé RN Alexandre Varaut auprès de Mediapart, après plusieurs versions données par le président du parti d’extrême droite.
Des documents antidatés

Autre pièce également révélée par Libération et apportée au tribunal de Paris : une épaisse revue de presse de 1 500 pages, paraphée de la signature de Jordan Bardella, elle aussi antidatée, puisque la véritable année de son impression – 2017 – apparaît malencontreusement sur l’une des feuilles. Un oubli du stagiaire auquel on avait demandé dans un mail de s’occuper « du montage du dossier de Jordan Bardella », toujours selon le quotidien.

Est également évoqué le document Word sur lequel a été écrite la lettre de motivation de l’intéressé pour rejoindre l’équipe parlementaire de Jean-François Jalkh. Datée du 23 décembre 2014, elle figure sur un fichier dont les propriétés indiquent qu’il aurait été créé… le 19 juin 2018.

« Ceux qui ont constitué ce faux dossier, ce sont des “Pieds nickelés”, des branquignols ! », lance l’avocat Charles-Emmanuel Soussen, qui plaide la relaxe sur la « la bonne foi » des auteurs de l’enquête, les journalistes Tristan Berteloot et Laurent Léger. « Quand on a tous ces éléments, on peut s’étonner dans un article que Jordan Bardella soit passé entre les gouttes, nous ne croyez pas ? », dit-il en référence au titre poursuivi par le président du RN. (...)

Le reste de l’article est d’ailleurs « inattaquable », concède l’avocat de Jordan Bardella, David Dassa-Le Deist, qui parle même d’un article de « très bonne facture, très bien écrit, [dans lequel] les choses sont dites comme elles doivent l’être ». Ses auteurs ont bien précisé que le président du RN n’avait jamais été inquiété par la justice et qu’il n’avait même pas été entendu dans l’enquête sur les assistants parlementaires – contrairement à Marine Le Pen, qui encourt dans ce dossier cinq ans de prison, dont trois ferme, et cinq ans d’inéligibilité immédiate.

« Mais le titre ! », poursuit l’avocat, déplorant cette volonté d’associer le président du RN à cette affaire. (...)

Multiplication des « procédures-bâillons »

Face aux magistrat·es de la 17e chambre, l’avocat de Jordan Bardella poursuit sur le thème de l’appétit médiatique qu’aurait suscité la popularité croissante de son client (...)

S’il n’a effectivement pas titré l’enquête cosignée avec Laurent Léger, le journaliste affirme n’avoir aucun problème à le défendre. « Je le trouve plutôt poétique... », dit-il à la barre. Une manière aussi de souligner le peu d’éléments qu’avait Jordan Bardella pour attaquer (...)

Finalement, il fallut la réquisition de la procureure de la République pour en revenir à l’objet initial de ce procès en diffamation : le titre de l’enquête de Tristan Berteloot et Laurent Léger : « Au regard de la jurisprudence de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, le titre bénéficie du droit d’exagération », a-t-elle rappelé, en demandant la relaxe. La décision sera rendue le 21 mars.