
La Cour suprême a chiffré les dénonciations "spam" des partisans de l’ex-juge Fernando Presencia : 4 000 euros pour chaque dénonciation basée sur ses fausses informations, connues sous le nom de "fake news". Les juges ont décidé de sanctionner avec cette somme un homme qui a accusé sans preuve devant le tribunal le juge Manuel Marchena et le procureur Jesús Alonso d’avoir caché plusieurs millions d’euros dans des paradis fiscaux, sur la base de fausses informations que l’ex-juge Fernando Presencia et son association diffusent depuis des années sur Internet et pour lesquelles il est incarcéré. La Cour suprême dénonce ces allégations de "spam" contre des magistrats sans preuves comme un "abus institutionnel particulièrement grave".
Fernando Presencia est en détention provisoire depuis plus d’un an. Expulsé de la magistrature après avoir été condamné et disqualifié à deux reprises pour prévarication, l’ancien magistrat a passé plusieurs années à diffuser massivement l’information selon laquelle des juges, des procureurs, des hommes politiques et des journalistes possèdent des comptes bancaires dans des paradis fiscaux où ils cachent des millions d’euros au fisc. L’Audiencia Nacional l’a envoyé en prison, l’accusant de diriger, avec les conspirationnistes Santiago et Alberto Royuela, un groupe voué à déposer ces allégations sans preuves, tout en s’enrichissant grâce aux dons reçus par son association pour la prétendue lutte contre la corruption.
Les plaintes déposées en masse par Presencia, les Royuelas et leurs partisans n’ont jamais passé le moindre filtre judiciaire. L’une d’entre elles, qui a circulé pendant plus d’un an dans différents tribunaux asturiens, a été déposée à Gijón il y a un an et demi par un homme : des documents extraits du site Internet de l’association ACODAP de l’ancien juge Presencia accusant Manuel Marchena, président de la Chambre pénale du Tribunal suprême, et le procureur de l’Audience nationale, Jesús Alonso, d’avoir caché plusieurs millions d’euros avec ses enfants au Panama et au Luxembourg.
La plainte est parvenue au Tribunal suprême après avoir essuyé plusieurs refus de la part des juridictions de la Principauté. En particulier, le département connu sous le nom de "chambre de 61", composé de juges de toutes les chambres de la Cour suprême, conçu pour des affaires comme celle-ci dans lesquelles l’un des accusés potentiels est un haut fonctionnaire de la cour, comme c’est le cas de Marchena. La première décision, rendue en février dernier, a rejeté la plainte au motif qu’elle ne présentait pas d’autres preuves que les affirmations de Presencia. La seconde, rendue il y a quelques semaines, a condamné le plaignant à une amende de 4 000 euros pour avoir agi avec une "insouciance manifeste", en dénonçant des faits que la Cour suprême considère comme manifestement faux. (...)
Alléguer que l’association de Fernando Presencia a publié ces documents sur son site Internet, explique la Cour suprême, est plus préjudiciable que bénéfique à sa stratégie de défense. Ce site, rappelle le Tribunal suprême, "a été suspendu à titre conservatoire par une décision judiciaire de juin 2023 dans le cadre d’une procédure d’enquête sur la légalité de ses activités". Entre autres, pour avoir diffamé la moitié des magistrats de cette même Cour suprême. Presencia lui-même a été condamné à une amende de 6 000 euros pour avoir tenté de retarder son incarcération par une "chaîne de recours".
Il est le premier adepte de Fernando Presencia et de ses dénonciations de "spam" à se voir infliger une amende pour avoir porté devant les tribunaux ses accusations sur la façon dont les juges, les procureurs, les politiciens et les journalistes cachent de l’argent à l’étranger, des millions qui, selon ses récits, proviennent parfois de pots-de-vin et de la corruption. Des plaintes et des accusations qui, comme dans d’autres cas, sont généralement dirigées contre des personnes qui ont porté préjudice à Presencia à un moment ou à un autre de sa carrière : Manuel Marchena a été l’un des juges qui ont signé sa première condamnation à 10 ans de déchéance et le procureur Jesús Alonso a déposé la plainte qui a finalement conduit à son emprisonnement.
Presencia, après avoir été exclu de la carrière judiciaire pour avoir notamment favorisé un de ses amis accusé de délit de fuite, a été emprisonné à l’été 2023 par l’Audiencia Nacional pour avoir utilisé son association anti-corruption ACODAP afin de s’enrichir et d’enrichir certains de ses collaborateurs, faire des affaires avec le dépôt de plaintes massives et fausses avec Santiago et Alberto Royuela, des ultra-droitiers barcelonais bien connus qui, depuis des décennies, promeuvent la théorie selon laquelle des hommes politiques tels que José Luis Rodríguez Zapatero sont à la tête d’un réseau secret dédié aux assassinats d’État.
Certains adeptes, comme cet homme qui s’est rendu au tribunal de Gijón avec ses documents en main, continuent de déposer des plaintes basées sur ces révélations sans preuves. D’autres, comme l’explique elDiario.es, lui rendent périodiquement visite en prison à Logroño, tandis que ses chaînes et son site web continuent de diffuser ses accusations massives.