
Le comité norvégien du Nobel a choisi María Corina Machado, une opposante historique au régime chaviste, « pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte pour une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie »
Malgré les pressions de Washington et de ses alliés, malgré l’insistance du président états-unien et l’annonce d’un accord entre Israël et le Hamas la veille, Donald Trump n’a pas reçu, vendredi 10 octobre, ce prix Nobel de la paix qu’il convoitait tant. C’est une de ses fidèles alliées en Amérique latine, l’opposante vénézuélienne María Corina Machado, figure historique de la lutte contre le régime chaviste, qui a été distinguée cette année.
Dans un communiqué, le comité norvégien du Nobel a expliqué avoir distingué María Corina Machado « pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et pour sa lutte en faveur d’une transition juste et pacifique de la dictature à la démocratie ». Il a aussi justifié son choix en expliquant vouloir récompenser l’engagement de l’opposante vénézuélienne « face à l’autoritarisme croissant au Venezuela ».
À 58 ans, María Corina Machado, membre de la haute bourgeoise (sa famille possédait l’un des plus grands groupes sidérurgiques du pays), est une adversaire historique du régime autoritaire chaviste. Elle appartient à la droite la plus radicale, à la fois politiquement et économiquement, qui n’a cessé de lutter contre le projet socialiste mis en œuvre par Hugo Chávez, militaire putschiste arrivé au pouvoir par les urnes en 1998, puis par Nicolás Maduro après sa mort en 2013. (...)
« Le prix Nobel est décerné soit à des personnalités qui agissent pour la paix, soit à des figures qui s’opposent à des dictatures. Avec María Corina Machado, on est clairement dans le deuxième cas. Car elle n’est pas particulièrement pacifique : elle a appelé à une intervention militaire des États-Unis contre son propre pays. Elle a aussi remercié Donald Trump pour les bombardements contre des embarcations de prétendus trafiquants de drogue dans les Caraïbes », dit Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine à l’université de Rouen et auteur de Venezuela : de la révolution à l’effondrement. Le syndicalisme comme prisme de la crise politique (1999-2021), aux Presses universitaires du Midi (2023).
« Son projet est de transformer le Venezuela en hub énergétique pour les États-Unis et le continent américain, poursuit-il. Elle a un discours extrêmement libéral et plaide pour la privatisation du géant pétrolier vénézulien PDVSA. »
De son côté, Yoletty Bracho, spécialiste de la région et maîtresse de conférences à l’université d’Avignon, relève que « lorsque le comité Nobel affirme qu’elle a réussi à unifier l’opposition, ce n’est pas conforme à la réalité : l’opposition au pouvoir de Caracas est plurielle et divisée ». (...)
Elle est activement soutenue par l’administration Trump, qui a multiplié les pressions et les menaces militaires sur Caracas. Le chef de la diplomatie états-unienne, Marco Rubio, s’était joint, l’année dernière, à d’autres parlementaires, alors qu’il était sénateur, pour soutenir la nomination de Machado au prix Nobel de la paix. Peu après sa nomination comme secrétaire d’État, il avait qualifié, dans Time, l’opposante de « personnification de la résilience, de la ténacité et du patriotisme », une « lumière d’espoir ».
« María Corina Machado appartient à la famille politique des Bolsonaro et Milei, en ce sens on peut dire qu’elle est d’extrême droite. »Yoletty Bracho, universitaire (...)
Plusieurs heures après l’annonce, Donald Trump n’avait toujours pas réagi. Son directeur de la communication, Steven Cheung, a jugé que « le comité Nobel a prouvé qu’il privilégie la politique à la paix ». « Le président Trump continuera de conclure des accords de paix, de mettre fin aux guerres et de sauver des vies », a-t-il ajouté. Avec sûrement l’objectif d’obtenir le prix Nobel en 2026.