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le vent se lève
Le militantisme écologiste est-il aussi impopulaire qu’on le pense ?
#ecologie #militantisme
Article mis en ligne le 9 août 2024
dernière modification le 4 août 2024

Blocages routiers, occupations, manifestations, ZAD, sabotage d’infrastructures écocidaires… Le mouvement écologiste recourt à des modes d’actions de plus en plus variés, dont l’utilité fait débat. Or, contrairement à une idée répandue, les actions les plus radicales peuvent être largement soutenues dans la population. A condition cependant qu’elles ciblent un adversaire clairement identifié plutôt que d’impacter les « citoyens lambda ». Explications

Éco-terroriste, khmers verts, ayatollah de l’écologie… Les qualificatifs se sont multipliés ces dernières années pour condamner toute action des militants écologistes jugée trop radicale. Ce raidissement a atteint son apogée à l’issue de Sainte-Soline et de la tentative du gouvernement de dissoudre les Soulèvements de la Terre.

Si cette dernière a été rejetée par le Conseil d’État, les critiques en impopularité ne sont pas sans effet sur les mouvements eux-mêmes. Dans cette logique, Extinction Rebellion, outre-Manche, a fait le choix en décembre 2022 d’arrêter (temporairement) les actions disruptives pour créer un mouvement plus large et populaire, sentant le vent tourner face à un gouvernement et des médias conservateurs de plus en plus hostiles.

L’impopularité des mouvements écologistes serait autant liée à des modes d’action jugés trop radicaux qu’au profil sociologique particulier des militants, plutôt très diplômés, urbains et jeunes, et régulièrement qualifié de ce fait de « bobos » pour les disqualifier.

Les résultats de la première vague du Baromètre Écologie Environnement, collectés en décembre 2023, viennent pourtant nuancer ce rejet des mouvements écologistes et de leurs méthodes.

Des modes d’action soutenus au-delà des idées reçues (...)

Sans surprise, cependant, c’est la manifestation, c’est-à-dire le mode d’action le moins perturbateur, qui arrive en tête avec 74 % des enquêtés qui la trouvent tout à fait ou plutôt acceptable. Plus étonnant en revanche, certains modes d’action parmi les plus perturbateurs et spécifiquement liés aux mouvements écologistes, font l’objet d’un rejet modéré, voire minoritaire. Une grande majorité de la population (67 %) considère ainsi acceptable de bloquer une entreprise polluante. De même, 61 % des Français reconnaissent la légitimité d’occuper une zone naturelle lorsque celle-ci est menacée. (...)

Ce résultat est d’autant plus surprenant que les lignes de clivage ne correspondent pas à certaines idées reçues que l’on peut avoir sur la prévalence des classes moyennes supérieures dans la préoccupation pour l’environnement. (...)

Notre enquête confirme cette réalité plus nuancée. (...)

À l’exception des agriculteurs, qui ne soutiennent qu’à 54 % le blocage des entreprises polluantes et à 33 % le fait d’occuper une zone naturelle menacée, le soutien à ces actions reste en fait majoritaire dans l’ensemble des catégories socio-professionnelles. Similairement, les niveaux de diplôme et de revenu ne semblent pas corrélés aux taux de soutien, ce qui discrédite l’idée d’un rejet mécanique du répertoire des écologistes par les classes populaires.

Autre réalité contre-intuitive, les taux de soutien restent hauts, même à droite de l’échiquier politique. (...)

L’importance des actions ciblées

Certains modes d’action suscitent toutefois beaucoup moins d’adhésion. Il en va ainsi du blocage de routes, rejeté par 69 % de la population, et de l’interruption d’événements sportifs (par exemple lors du Tour de France de 2022), rejeté à 74 %. Cette désaffection se retrouve de manière plutôt homogène dans la population. Atténué par l’âge, le rejet de ces modes d’action est plus net chez les agriculteurs, les ouvriers et employés.

Ces actions peu populaires ont un point commun : leur caractère indiscriminé. (...)

quand la cause est jugée juste par une grande partie de l’opinion et qu’un adversaire est clairement désigné comme responsable, le caractère illégal de certains modes d’action perd de son effet dissuasif et l’action est jugée majoritairement comme acceptable. (...)

Quelles perspectives pour les mouvements écologistes ?

Il ressort de ce panorama que la radicalité des modes d’action importe moins que le fait de cibler un adversaire clairement identifié. Doit-on pour autant imaginer que cela conduira les écologistes à abandonner une fois pour toutes leurs actions dans l’espace public ?

On peut en douter. En effet, les actions ciblées sont plus difficiles à mettre en place que les mobilisations de rue. (...)

L’espace public, quant à lui, ne se résume pas nécessairement à une confrontation entre les militants écologistes et l’opinion publique, puisque l’intervention souvent musclée de la police rappelle l’hostilité de l’État, tandis que les actions spectaculaires permettent de réaffirmer ses demandes à l’égard de la puissance publique. (...)

De plus, si l’enquête montre que certains modes d’action sont moins rejetés que d’autres par la population, on ne peut pas en conclure que les militantes écologistes disposent automatiquement d’un socle d’adhésion fort. (...)

La capacité des mouvements écologistes à imposer leur discours et leurs termes dans le débat sera donc déterminante face aux tentatives de criminalisation croissantes.