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« Le match retour de Tarnac »
#Tarnac
Article mis en ligne le 21 octobre 2023
dernière modification le 20 octobre 2023

Arrêté·es en 2020 lors d’une opération antiterroriste visant « l’ultragauche », les inculpé·es du 8 décembre sont jugé·es du 3 au 27 octobre à Paris. Deux d’entre eux et une de leurs proches racontent les traces indélébiles laissées par trois années d’acharnement policier.

Les arrestations du 8 décembre 2020 avaient été spectaculaires, les chefs d’inculpations lourds – « association de malfaiteurs terroriste » – et l’objectif, clair : semer la peur dans les milieux militants de gauche1. Qu’importe le flou du dossier et les moyens démesurés : après le fiasco de « l’affaire Tarnac »2, il fallait frapper fort3. Sur les neuf personnes arrêtées, qui ne se connaissaient pas forcément, cinq ont été incarcéré·es préventivement pendant 4 à 16 mois4. Peu avant leur procès, qui se déroule en ce moment à Paris et jusqu’au 27 octobre, Svink, Klo et William nous ont raconté les violences subies depuis près de trois ans par les inculpé·es et leurs proches. La parole est à la défense.

Svink, 39 ans, 11 mois de détention  :

« Ils ont débarqué tôt le matin, discrètement, sans défoncer la porte qui n’était pas fermée à clé. On pensait à des cambrioleurs mais, quand je suis descendu à l’étage, à peine réveillé, des mecs cagoulés m’ont braqué avec leurs fusils d’assaut. Ils m’ont jeté à terre, tiré par les cheveux en criant : “Pas bouger, au sol !” C’était traumatisant mais, en discutant avec d’autres détenus, j’ai réalisé que ces arrestations violentes étaient communes. J’ai passé 96 heures en garde à vue (GAV) dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), avant d’être emmené directement en détention préventive.

Le premier mois, je n’ai pas pu communiquer avec Klo, ma compagne. Quand j’ai eu le droit de lui écrire, je ne recevais pas ses lettres. J’ai commencé à péter les plombs en me disant “elle me parle plus, elle m’a quitté”. J’ai chialé comme une madeleine quand j’ai reçu des vêtements de sa part.

Les deux premiers mois ont été très durs. (...)

Après quatre mois, on m’a muté dans le pire bâtiment de Fleury-Mérogis. Et là, ça a été la redescente en enfer. Le chef parloir me l’a dit droit dans les yeux : “Les gars comme toi, on aime bien les tester à leur arrivée.” J’ai pris cher physiquement. J’avais un problème au genou qui n’a pas été soigné et s’est aggravé, j’ai perdu beaucoup de poids. Côté thunes, Klo me versait 200 euros par mois, mais 150 euros partaient dans la cabine téléphonique.

Je suis sorti au bout de 11 mois. J’ai eu la chance d’être soutenu et de trouver un travail rapidement, mais j’étais incapable de me projeter dans le futur. Quand tu as été surveillé pendant des mois, tu ne vis plus de la même manière, tu vois des flics infiltrés partout. Tu t’autocensures dans ta vie de tous les jours, tu te mets à chercher tes mots en te disant que t’es pas à l’abri d’être sur écoute et que tes propos soient détournés. Des TOC (troubles obsessionnels compulsifs) me sont restés de la prison. Pendant des mois, j’ai continué à faire des pompes matin, midi et soir, à manger dans un bol pour gérer ma quantité de bouffe… et à l’approche du procès, mes TOC reviennent. »

Klo, 37 ans, relâchée sans suite (...)

William, 34 ans, 4 mois et demi de détention (...)