
Christophe avait 55 ans. Il vivait dans un petit bivouac en dehors du centre-ville de Strasbourg (Bas-Rhin). Cet ancien pompier, père d’une fille dont il était très fier, était connu des services municipaux comme personne sans abri depuis moins de dix ans. En 2023, il a perdu la vie près de son campement, en tombant dans un canal.
C’est le Collectif Les morts de la rue qui a recueilli ces éléments biographiques et les a consignés, minutieusement, dans son enquête annuelle épidémiologique, publiée ce mercredi 30 octobre et qui comptabilise le nombre de « sans chez-soi » décédés.
Au moins 735 personnes sans habitat personnel, c’est-à-dire vivant à la rue, en hébergements d’urgence, dans des squats ou dans des structures de soins, sont mortes en 2023, selon cette association, soutenue par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.
Si l’on ajoute les personnes ayant à un moment de leur vie connu le sans-abrisme, 826 personnes sont décédées en 2023. « La rue, ça abîme, ça laisse des traces. Lorsque les personnes ne sont plus sans domicile, leur espérance de vie augmente environ de dix ans, mais elles décèdent quand même souvent vers 60 ans », relève Bérangère Grisoni, la présidente du Collectif Les morts de la rue.
Un âge moyen au décès de 48,8 ans (...)
à comparer avec l’âge moyen de décès de la population française qui est de 79,9 ans. Soit 31,1 années de « vies perdues » pour cette population sans chez-soi, notent les auteurs du rapport.
« Cet écart est terrible. C’est une énorme inégalité face à la mort », insiste Bérangère Grisoni. Surtout, le nombre de décès recensés n’a jamais été aussi élevé depuis douze ans que le Collectif entreprend ce triste décompte.
« La progression très inquiétante du nombre de personnes sans habitat propre en France » (...)
« Les politiques publiques ne se contentent plus d’occulter les personnes les plus démunies à la rue, elles les attaquent », tacle Bérangère Grisoni, qui énumère pêle-mêle les arrêtés municipaux anti-mendicité pris dans des villes comme à Amiens, Angoulême ou Charleville-Mézières, les communes qui préfèrent payer des amendes plutôt que de construire des logements sociaux, ou encore les arrêtés préfectoraux interdisant les distributions alimentaires à Calais ou dans un quartier de Paris.
Elle conclut : « C’est un très mauvais calcul. Le coût de l’inaction en matière de lutte contre la pauvreté est en réalité plus élevé que les économies dictées par des choix budgétaires de court terme. »