
Manifestations d’artistes de droite fêtant Nicolas Sarkozy pendant le mouvement des intermittents, journal de la RTBF annonçant en direct l’indépendance de la Flandre, vraies-fausses conférences de presse des Yes Men contraignant les puissants pour lesquels ils se sont fait passer à produire des démentis embarrassés : autant d’impostures qui donnent à voir les impostures. À la croisée de la performance artistique et de l’activisme politique, le hoax est une fiction à ciel ouvert.
L’antagonisme entre artisans de l’imaginaire et acteurs du réel a longtemps miné l’univers de la contestation. En France notamment, ceux qui refusent l’ordre dominant peinent encore à trouver la voie d’un « agir créatif » qui décloisonnerait enfin le champ du politique et celui du culturel. Slogans et mots d’ordre ne suffisent pas en effet à entretenir le goût de résister et la volonté d’agir : l’esprit nourrit aussi le besoin de récits projectifs. Les fictions paraboliques n’aident pas seulement à supporter le réel ou à donner un horizon, elles contribuent aussi à irriguer des zones de possibles sur les terres arides du probable. Même infimes, les utopies vécues ont pour elles la force du tangible et la puissance allégorique de l’exemplum. (...)
L’emploi du procédé canularesque connaît depuis le milieu des années 1990 un renouveau sans précédent. Mais la priorité des nouveaux activistes du canular est désormais moins de dénoncer la faillite du système médiatique que de profiter de celle-ci pour y propager des discours utiles aux mobilisations sociales et politiques. (...)
Dans une société où la valeur d’une entreprise ne s’évalue plus seulement à partir de sa capacité productive et de ses biens matériels, mais de plus en plus sur la confiance que le public lui accorde, l’image a désormais pris une importance stratégique qui rend les atteintes symboliques bien plus dommageables que par le passé. (...)