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La France condamnée par la CEDH pour une nasse policière lors d’une manifestation
#manifestations #repression #nasses #CEDH
Article mis en ligne le 10 février 2024

Les faits avaient eu lieu Place Bellecour à Lyon, lors d’une manifestation le 21 octobre 2010. La police encerclait une douzaine de personnes, privées de leur liberté pendant plusieurs heures. Une nasse de 6h sans aucune base légale ni aucune nécessité, sauf bien sûr celle d’instaurer la terreur. Depuis, la pratique des nasses, visant à enfermer des manifestant-es derrière des lignes de force de l’ordre, les empêchant de se déplacer et créant de fait une sorte de garde à vue à ciel ouvert, est devenue quasiment systématique.

Le jeudi 8 février 2024, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné pour la première fois la France pour cette pratique policière, utilisée couramment dans la stratégie de maintien de l’ordre. La juridiction européenne a ainsi estimé que la nasse avait violé les libertés de circulation, de réunion et d’expression, sur le fondement des articles 10 et 11 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui dispose que « toute personne a le droit de prendre part à des réunions pacifiques et de créer des associations ‐ y compris des syndicats ‐ ou d’y adhérer » (Article 11 CEDH – Liberté de réunion et d’association) et que « chacun a le droit de dire et d’écrire ce qu’il pense, et de recevoir ou de communiquer des informations » (Article 10 ‐ Liberté d’expression).

« Cet encerclement par les forces de l’ordre est constitutif d’une ingérence dans l’exercice de leur liberté de réunion pacifique et de leur liberté d’expression » conclut la CEDH.

Mais si la CEDH « déduit que le recours par les forces de l’ordre à la technique de l’encerclement n’était pas, à la date des faits, prévu par la loi », cette décision concernant un acte ayant eu lieu en 2010 ne rend néanmoins pas toute nasse nécessairement illégale. Un nouveau schéma de maintien de l’ordre a en effet été édicté par le ministère de l’intérieur français en 2021 afin « d’encadrer » cette technique.

Ce dernier précise ainsi vaguement le cadre d’usage de la nasse, qui peut être utilisée « afin d’éviter le recours à des techniques pouvant présenter des risques supérieurs d’atteinte aux personnes » et à la condition de « systématiquement ménager un point de sortie contrôlé ». Un texte qui reste particulièrement flou sur la nécessité de recours à cette pratique. Quant à ce qui concerne « le point de sortie contrôlé », celui-ci n’a que rarement (voire jamais) pu être constaté, y compris dans les recours récents à cette pratique, lors du mouvement social de 2023 notamment. (...)

L’avocat Arié Alimi appelle ainsi les manifestant-es victimes de nasses à déposer plainte contre les policiers ayant procédé à cette mesure et à l’autorité qui l’a ordonnée. Rappelant que le délit de prescription court jusqu’à 6 ans, il est aujourd’hui possible de déposer plainte pour toutes les nasses ayant eu lieu à partir du 9 février 2018 : autrement dit, les très nombreuses nasses durant les Gilets Jaunes, les mouvements pour les retraites, les manifestations étudiantes et lycéennes sont concernées.

L’avocat se fonde ainsi sur l’infraction prévue à l’article 432-4 code pénal et qui dispose que « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende ». (...)