
La semaine dernière, deux cas de féminicide ont secoué l’Iran. Tout d’abord, un avocat a assassiné sa femme journaliste, Mansoureh Ghadiri Javi, à coups de couteau et d’haltère. D’autre part, un autre avocat a tué sa femme et son fils avant de mettre fin à ses jours.
Selon le journal iranien « Etemad », au moins 165 cas de féminicides ont été signalés en Iran. Ces cas se sont produits entre juin 2021 et juin 2023. Cela signifie qu’en moyenne, une femme est tuée tous les quatre jours.
En Iran, la violence domestique touche les femmes de toutes les classes sociales et de tous les milieux. Les structures culturelles, sociales et économiques font qu’il est difficile pour les femmes de chercher de l’aide ou d’échapper à ces situations de violence. La peur des conséquences sociales, le manque de soutien et l’ignorance des droits mettent de nombreuses femmes en danger. Les meurtres sont souvent justifiés par l’« honneur », la jalousie ou des conflits familiaux. Ils deviennent mortels en raison des structures sociétales et juridiques qui limitent les sanctions pour ces actes.
Ces cas récents mettent en lumière une tendance inquiétante. Les hommes impliqués auraient dû être des défenseurs de la loi. Au lieu de cela, ils ont été les auteurs de ces actes odieux. Dans les deux cas, il s’agit d’hommes qui, après avoir commis un meurtre, ont également tenté de mettre fin à leurs jours. Il ne s’agit pas d’événements isolés, mais de failles profondes dans la société et le système judiciaire.
Contexte historique du féminicide en Iran
L’histoire du féminicide en Iran s’étend sur plusieurs décennies et est profondément ancrée dans le tissu culturel, social et juridique de la société. Le terme « féminicide » ne désigne pas seulement l’acte de tuer des femmes, mais aussi les systèmes plus larges qui le permettent et l’excusent. En Iran, le féminicide est souvent lié à l’« honneur » ou à la « chasteté », de nombreux meurtres étant justifiés comme des actes visant à restaurer l’honneur de la famille ou à protéger les valeurs de la société. Ces croyances s’appuient sur une culture patriarcale et des lois qui renforcent l’assujettissement des femmes.
Dans les premières années de l’État moderne, les attitudes sociales et les lois faisaient des femmes des personnes à charge au sein des familles, d’abord en tant que filles, puis en tant qu’épouses. Cette dépendance n’était pas seulement le reflet de normes culturelles, elle était également inscrite dans le cadre juridique iranien. Les lois placent la vie et le corps des femmes sous le contrôle des hommes de leur famille, principalement les pères, les frères et les maris. Une fille perçue comme déshonorant sa famille pouvait être « corrigée » par la violence, y compris la mort, et dans de nombreux cas, ces actions étaient soit justifiées, soit ignorées par la loi et la société.
Au fil des ans, quelques magazines et publications consacrés aux questions féminines ont mis en lumière ces cas. Ils ont documenté d’innombrables cas de féminicides. Les rapports des années 1980 et suivantes révèlent une cohérence effrayante. (...)
L’idée culturelle de « l’honneur » joue également un rôle central dans le féminicide. La perception selon laquelle les actions d’une femme – qu’il s’agisse de sa tenue vestimentaire, de son comportement ou même de ses fréquentations reflètent l’« honneur » de ses parents masculins a historiquement conféré aux hommes une autorité sociale et morale sur la vie des femmes. Les actions « déshonorantes » d’une femme ne sont pas considérées comme les siennes propres, mais comme celles de toute sa famille. Ce concept persiste malgré l’évolution du rôle des femmes dans la société iranienne (...)
Ces dernières années, bien que certains amendements aient été apportés à la législation, la structure fondamentale des systèmes juridiques et culturels qui autorisent le féminicide est restée largement inchangée. Les lois iraniennes accordent toujours une grande indulgence aux hommes qui commettent ces crimes, en particulier lorsqu’ils invoquent l’« honneur » ou la « réputation de la famille ». Pour de nombreuses femmes, la menace de la violence continue de peser sur elles, car les protections sociales et juridiques restent insuffisantes. Dans certains cas, ces lois semblent presque encourager le féminicide, en confortant le message que les hommes de la famille ont le droit de décider du sort des femmes sous leur « protection ».
Récits de victimes et de survivantes (...)
Ces histoires ne sont pas seulement des tragédies personnelles ; elles illustrent le poids écrasant des attentes culturelles et familiales sur la vie des femmes. (...)
Ces histoires mettent en lumière la dynamique brutale du pouvoir et du contrôle au sein des familles iraniennes et l’immense pression sociale exercée pour se conformer aux valeurs traditionnelles. (...)
Le silence qui entoure ces affaires découle non seulement de la peur des représailles, mais aussi de la croyance profondément ancrée que l’honneur de la famille l’emporte sur le droit d’un individu à vivre librement.
Certaines femmes qui ont survécu à des agressions violentes portent des cicatrices physiques et psychologiques à long terme, mais leur voix est souvent ignorée. De nombreuses survivantes ne peuvent pas parler ouvertement de leur expérience sans risquer leur sécurité ou de renforcer la honte de leur famille. Dans les rares cas où les survivantes se manifestent, elles révèlent une société peu encline à compatir avec les femmes qui ont « déshonoré » leur famille. Malgré le traumatisme qu’elles subissent, les survivantes se retrouvent souvent ostracisées, qualifiées de « souillées » ou de « déshonorantes » pour des actions qui peuvent être aussi simples que de choisir son propre partenaire ou de rejeter des coutumes restrictives. (...)
Rôle de la famille et de la communauté dans le féminicide
En Iran, la famille et la communauté jouent un rôle crucial dans la perpétuation du cycle du féminicide. Le féminicide est rarement considéré comme un acte de violence individuel ; il s’agit souvent d’une expression collective des attentes sociales, des valeurs familiales et de la pression de la communauté. Lorsque les femmes défient ou semblent défier les normes acceptées, en particulier sur les questions de sexualité et d’autonomie, elles ne sont pas seulement considérées comme des déceptions individuelles pour leur famille. Au contraire, elles sont perçues comme une menace pour le statut social de la famille et sa réputation au sein de la communauté.
En Iran, la cellule familiale est traditionnellement considérée comme une structure sacrée, dont les membres ont des rôles stricts. Les femmes et les filles sont souvent considérées comme porteuses de « l’honneur » de la famille, les hommes étant considérés comme les gardiens de cet honneur. (...)
Les hommes, en particulier les pères, les frères et les maris, se sentent tenus de surveiller la conduite des femmes de leur famille et sont censés prendre des mesures s’ils perçoivent une menace pour la réputation de la famille. Dans ce contexte, la communauté renforce souvent ces attentes, en faisant directement ou indirectement pression sur les familles pour qu’elles contrôlent les femmes « rebelles » ou « désobéissantes ».
La pression communautaire peut amplifier l’intensité de ces attentes. Les familles peuvent se sentir obligées de prendre des mesures extrêmes, comme le féminicide, pour éviter la honte publique. (...)
Le rôle de la communauté ne s’arrête pas à l’acte de violence lui-même. Après un féminicide, les membres de la communauté peuvent se rallier à l’auteur, le considérant comme quelqu’un qui a courageusement défendu l’honneur de la famille. Les voisin·es et les proches peuvent même soutenir ou justifier publiquement ses actes, renforçant ainsi l’idée qu’une telle violence est une réponse acceptable à la transgression perçue d’une femme. Dans les cas où le tueur risque des poursuites judiciaires, certain·es membres de la communauté peuvent prôner l’indulgence, minimisant ainsi encore la gravité du crime. Ce type d’approbation collective normalise la violence à l’égard des femmes et décourage les autres familles de remettre en question ou de rejeter l’idée de l’« honneur » comme justification de la maltraitance. (...)
Les attentes de la famille et de la communauté créent un système de surveillance constante autour des femmes, chaque aspect de leur vie – éducation, travail, amitiés, mariage – étant dicté par la nécessité de préserver l’honneur de la famille. Cette dynamique n’est pas propre aux zones rurales ou conservatrices ; même dans les communautés urbaines et progressistes, les concepts d’honneur et de honte jouent un rôle important dans l’organisation de la vie des femmes, bien que de manière moins visible.
Dans ce réseau complexe d’attentes familiales et communautaires, la vie et les choix des femmes sont sévèrement limités. Tout acte de défiance ou de désobéissance est considéré comme une tache sur l’honneur de la famille qui doit être « nettoyée ». (...)
Pour de nombreuses femmes, la possibilité de liberté est éclipsée par la menace constante et imminente de la violence, qui leur rappelle que leur vie ne leur appartient pas entièrement.
Implications juridiques et lacunes
Le droit iranien joue un rôle essentiel dans le maintien des conditions qui permettent au féminicide de perdurer. Alors que les lois sont théoriquement destinées à protéger les citoyen·nes, certaines lacunes et certains codes juridiques permettent en fait aux hommes qui commettent un féminicide d’être impunis ou, à tout le moins, d’être moins punis. (...)
L’un des aspects juridiques les plus problématiques est le concept de « défense de l’honneur » inscrit dans le droit iranien. L’article 630 du code pénal iranien autorise un mari à tuer sa femme et son amant s’il les surprend en flagrant délit d’adultère, à condition qu’il soit « certain » que la femme n’a pas été contrainte. La loi part du principe que l’infidélité d’une femme entache l’honneur d’un homme à un point tel cela justifie de lui ôter la vie. (...)
En outre, l’article 220 du code pénal islamique accorde aux pères et aux grands-pères un niveau d’autorité important sur leurs enfants, y compris leurs filles. En vertu de cette loi, un père ou un grand-père paternel qui tue son enfant est exempté de la peine capitale et ne peut être condamné qu’à des peines légères, souvent de quelques années seulement. Cette exception légale, connue sous le nom de « ghesas » (rétribution), implique que les pères ont des droits de propriété sur leurs enfants et peuvent, dans une certaine mesure, décider de leur sort. Cette indulgence dans le cas des soi-disant « crimes d’honneur » envoie un message effrayant à la société : les hommes, en particulier les pères, ont le contrôle ultime sur les membres féminins de la famille, et la loi n’interviendra pas sévèrement, même dans les cas de meurtre.
Ces lacunes illustrent la manière dont le droit iranien ne protège pas les femmes et, dans certains cas, permet activement la poursuite de la violence fondée sur le genre. (...)
Cette indulgence juridique est exacerbée par le fait que les juges iraniens disposent souvent d’un pouvoir discrétionnaire important dans l’interprétation de la loi. De nombreux juges interprètent les affaires de crimes d’honneur dans un cadre culturel qui considère la chasteté des femmes comme primordiale. (...)
Ce pouvoir judiciaire discrétionnaire se traduit souvent par une réduction des peines d’emprisonnement, une libération conditionnelle, voire un acquittement dans les cas de féminicide.
En outre, l’acceptation sociale de l’honneur comme motif valable de violence affaiblit encore la probabilité d’une réforme (...)
Par conséquent, ces dispositions légales restent largement incontestées, laissant les femmes vulnérables à la violence et à la merci des attentes de la famille et de la communauté.
Le système juridique iranien, au lieu de rendre justice aux victimes, tend à renforcer le contrôle patriarcal. (...)
Les attitudes sociales à l’égard de l’honneur sont fortement influencées par un mélange de traditions culturelles et d’interprétations religieuses. Ces croyances varient en intensité selon les régions et les communautés, mais le message sous-jacent est le même : le rôle d’une femme est de maintenir la réputation de la famille, et tout manquement à cet égard entraîne de graves conséquences. Par exemple, dans certaines communautés conservatrices, la simple rumeur d’un comportement inapproprié suffit à justifier une punition, que la femme en question ait réellement fait quelque chose de mal ou non. (...)
Les interprétations religieuses jouent également un rôle dans la manière dont l’honneur est défini et appliqué. Dans certains cas, certaines interprétations des textes religieux sont utilisées pour justifier le contrôle du comportement des femmes, ainsi que le recours à la violence pour « corriger » ou « punir » les manquements moraux perçus. Bien que ces interprétations fassent l’objet d’un débat entre les spécialistes de la religion, dans la pratique, de nombreuses communautés adhèrent à des points de vue conservateurs qui renforcent le contrôle patriarcal sur les femmes. Cela ajoute une couche de validation religieuse aux croyances culturelles, ce qui rend encore plus difficile le changement de ces attitudes ou la promotion des droits des femmes.
Dans de nombreux cas, les femmes elles-mêmes peuvent intérioriser ces croyances, acceptant leur rôle de porteuses de l’honneur familial et soutenant les normes mêmes qui restreignent leurs libertés. Ce phénomène, connu sous le nom de « misogynie intériorisée », signifie que certaines femmes deviennent également les garantes de ces normes, soit en faisant pression sur les femmes plus jeunes pour qu’elles se conforment, soit en restant silencieuses face à la violence. (...)
Les efforts visant à modifier ces attitudes culturelles se sont heurtés à une forte résistance, car ils sont considérés par certains comme des tentatives d’ébranler les valeurs traditionnelles. Les activistes féministes, les réformateurs set réformatrices sociales et les organisations de défense des droits des êtres humains travaillant en Iran ont tenté de sensibiliser aux droits des femmes et de plaider contre la violence fondée sur le sexe. Toutefois, ces efforts se heurtent souvent à la réaction des conservateurs, qui estiment que ces changements menacent le tissu moral et social de la société. En conséquence, les changements ont été lents, de nombreuses personnes restant convaincues que le comportement d’une femme doit être contrôlé afin de protéger l’honneur de la famille.
L’attachement profond à l’honneur et à la chasteté au sein de la culture sert de justification puissante au féminicide. Dans de nombreux cas, les auteurs de féminicides ne considèrent pas leurs actes comme criminels, mais comme des corrections nécessaires à des manquements moraux. (...)
Résistance et plaidoyer
Malgré les difficultés, des activistes, des féministes et des défenseurs des droits des êtres humains en Iran travaillent sans relâche pour lutter contre le féminicide.
Ces personnes et ces organisations s’efforcent de sensibiliser l’opinion publique, de faire pression en faveur d’une réforme juridique et d’offrir un soutien aux femmes en danger. Leur travail représente un mouvement en développement en Iran ; elles et ils cherchent à remettre en question les structures culturelles, juridiques et sociales qui favorisent la violence à l’égard des femmes. Toutefois, cette résistance est semée d’embûches, car leur travail se heurte souvent à des réactions négatives, à des restrictions juridiques et à la stigmatisation sociale lorsqu’elles et ils remettent en cause des normes bien ancrées.
L’un des principaux domaines d’action des défenseurs des droits des femmes est la sensibilisation au féminicide et à la violence fondée sur le genre. Par le biais de publications, d’ateliers et de campagnes en ligne, les activistes visent à éduquer le public sur les questions relatives au féminicide, en soulignant qu’il ne s’agit pas d’une question d’honneur familial mais d’une grave violation des droits des êtres humains. (...)
La réforme juridique est un autre point essentiel. Les militant·es affirment que le code pénal iranien doit être révisé afin de supprimer les indulgences pour les violences fondées sur l’honneur et d’appliquer des sanctions strictes pour tous les actes de féminicide. Des propositions ont été faites pour modifier des articles du code pénal, en particulier ceux qui prévoient des peines plus légères pour les pères et les maris qui commettent des actes de féminicide. Toutefois, les efforts de réforme de ces lois se heurtent souvent à la résistance des législateurs conservateurs et des autorités religieuses qui affirment que de tels changements éroderaient les valeurs traditionnelles et saperaient l’autorité de la famille. En conséquence, les progrès en matière de réforme juridique ont été lents, laissant leurs défenseur·es frustré·es mais non découragé·es dans leur quête de justice.
Les organisations de défense des droits des êtres humains, tant nationales qu’internationales, ont contribué à documenter et à signaler les cas de féminicide en Iran. Des organisations telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch ont sensibilisé l’opinion publique mondiale au problème du féminicide en Iran, faisant pression sur les autorités iraniennes pour qu’elles s’attaquent à la violence fondée sur le genre. Toutefois, les militant·es iraniens·ne sont souvent confrontés·e à des restrictions de leur liberté d’expression et de réunion, ce qui rend difficile l’organisation de mouvements à grande échelle. (...)
Des réseaux de soutien communautaires ont également vu le jour dans le cadre de la résistance au féminicide. Ces réseaux offrent des espaces sûrs pour les femmes en danger, en leur proposant des conseils, des avis juridiques et des abris. Dans les régions où le soutien gouvernemental est limité ou inexistant, ces organisations communautaires servent de bouées de sauvetage aux femmes qui cherchent à échapper à des situations de violence. Bien que leurs ressources soient limitées, ces groupes ont réussi à apporter des changements modestes mais significatifs dans la vie des femmes, leur donnant une chance de retrouver leur indépendance et leur sécurité.
Les médias sociaux sont devenus un outil puissant pour les activistes et les féministes iraniennes, qui peuvent ainsi exprimer leur opposition au féminicide. Des plateformes comme Twitter, Instagram et Telegram permettent aux militant·es de partager des informations, d’organiser des campagnes et de créer des communautés virtuelles de soutien. Les hashtags, les messages viraux et les pétitions en ligne ont amplifié les voix des militant·es des droits des femmes, atteignant des publics à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran. (...)
La lutte contre le féminicide en Iran n’est pas sans risque. De nombreuses et nombreux militants et activistes sont confrontés à des menaces personnelles, à l’ostracisme social et même à des conséquences juridiques pour leur travail. Cependant, la prise de conscience croissante et l’opposition au féminicide sont un signe encourageant que le changement est possible. Ces efforts, bien que modestes, remettent en question le statu quo et offrent la vision d’un avenir où les femmes sont libérées de la menace de la violence. Chaque campagne, protestation et publication contribue à l’élan d’un mouvement qui cherche à redéfinir l’honneur, à protéger les droits des femmes et à créer une société où chaque individu peut vivre sans crainte.
Analyse comparative avec d’autres sociétés
L’examen du féminicide en Iran par rapport à des cas d’autres pays révèle des facteurs à la fois universels et uniques qui influencent la violence fondée sur le genre. Si les cadres culturels, religieux et juridiques spécifiques peuvent différer, les modèles sous-jacents de contrôle, les valeurs patriarcales et les attentes de la société à l’égard des femmes sont des fils conducteurs qui façonnent souvent les féminicides dans le monde entier. En comparant la situation de l’Iran à celle d’autres pays, nous pouvons mieux comprendre l’ampleur du problème et reconnaître les voies potentielles de changement. (...)
Contrairement à de nombreux pays qui bénéficient d’une presse relativement libre et de moins de restrictions sur l’activisme, l’Iran impose des limitations à la fois à la liberté d’expression et à la liberté de réunion, ce qui rend difficile pour les militant·es de mobiliser un soutien ou d’appeler à des changements juridiques. Les organisations internationales de défense des droits des êtres humains ont noté que l’absence de réforme juridique en Iran est en partie due à ces restrictions, car le gouvernement considère souvent les appels à l’égalité des sexes comme des défis aux valeurs culturelles ou religieuses. Par conséquent, si les expériences d’autres sociétés sont riches d’enseignements, elles soulignent également les obstacles spécifiques auxquels l’Iran est confronté dans sa lutte contre le féminicide à l’intérieur de ses frontières.
Les comparaisons entre l’Iran et d’autres pays illustrent à la fois l’universalité du problème du féminicide et la diversité des approches pour le combattre (...)
Le rôle des médias et la perception du public
En Iran, les médias jouent un rôle important dans la perception qu’a le public du féminicide et de la violence fondée sur le genre. La façon dont les cas de féminicide sont présentés – ou ignorés – par les médias affecte non seulement l’opinion publique, mais aussi la probabilité d’un changement juridique et culturel. Pendant des décennies, de nombreux cas de féminicide ont été soit minimisés, soit décrits comme des affaires privées et familiales, minimisant ainsi leur impact et occultant la nécessité d’une réforme urgente. Toutefois, certains médias progressistes et journalistes indépendant·es ont cherché à attirer l’attention sur ces cas, en soulignant les problèmes systémiques qui contribuent aux féminicides et en insistant sur la nécessité d’une réponse sociétale. (...)
Dans des cas très médiatisés, comme le meurtre de Romina Ashrafi, l’indignation suscitée par les médias sociaux a poussé les autorités à réagir, même si ce n’est que temporairement. Si l’activisme en ligne ne remplace pas les réformes systémiques, il joue un rôle important en façonnant la perception du public, en remettant en question les récits traditionnels et en encourageant la solidarité au sein de la communauté.
Le pouvoir des médias et de la perception du public dans la lutte contre le féminicide réside non seulement dans la sensibilisation, mais aussi dans la remise en question des normes sociétales. (...)
Néanmoins, l’impact de la couverture médiatique sur la perception du public a ses limites, notamment en raison des lois strictes de l’Iran en matière de censure. Les journalistes indépendant·es et les activistes sont souvent victimes de harcèlement, de détention ou de surveillance pour avoir parlé du féminicide ou défendu les droits des femmes. Dans ce contexte, il est difficile pour les médias de couvrir les cas de féminicide de manière exhaustive ou d’explorer leurs implications plus larges. Malgré ces difficultés, la couverture médiatique reste l’un des outils les plus efficaces pour sensibiliser le public, même si les progrès sont lents et se heurtent à des résistances (...)
Perspectives d’avenir et recommandations
La lutte contre le féminicide et la violence sexiste en Iran est profondément liée à la violation systématique des droits des femmes, profondément enracinée dans les lois islamiques qui restreignent les libertés et l’autonomie des femmes. Ces lois renforcent l’inégalité entre les sexes et maintiennent un cadre juridique qui considère les femmes comme subordonnées aux hommes, avec des droits limités en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants et d’héritage. Pour de nombreuses femmes en Iran, le système juridique n’est pas une source de protection, mais plutôt un mécanisme de contrôle et d’oppression.
Les restrictions juridiques iraniennes vont au-delà des droits individuels et limitent également fortement la capacité des militantes à s’organiser et à plaider en faveur du changement. (...)
Compte tenu de ces restrictions importantes et de l’environnement hostile aux militant·es des droits des femmes en Iran, le besoin d’un soutien féministe international est urgent. Le mouvement féministe iranien et les militantes des droits des femmes pourraient bénéficier de la solidarité et du soutien de la communauté féministe mondiale. Les organisations internationales peuvent contribuer à faire connaître les réalités de l’oppression des femmes en Iran, à amplifier la voix des militantes iraniennes et à leur offrir des tribunes où elles peuvent s’exprimer librement. Ce soutien mondial peut exercer une pression internationale sur les autorités iraniennes, les incitant à respecter les droits des êtres humains et à mettre fin à la persécution des défenseur·es des droits des femmes.
Les réseaux féministes internationaux peuvent également fournir des ressources, des formations et des financements pour aider à soutenir le mouvement féministe iranien. (...)
Dans un contexte où les efforts locaux sont constamment entravés, le soutien international offre des bouées de sauvetage essentielles et montre aux militant·es qu’elles et ils ne sont pas isolé·es dans leur lutte pour la justice.
En outre, le soutien féministe international peut jouer un rôle en faisant pression sur les dirigeants mondiaux pour qu’ils abordent les violations des droits des femmes commises par l’Iran dans des contextes diplomatiques (...)
Femicide Crisis in Iran : Understanding the Urgent Need for Change