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Reporterre
L’Office français de la biodiversité, bouc émissaire facile de la crise agricole
#agriculture #biodiversite #OFB
Article mis en ligne le 29 novembre 2024
dernière modification le 28 novembre 2024

Tas de fumier, roue déboulonnée, menaces... L’Office français de la biodiversité (OFB) est la cible des gros syndicats agricoles, soutenus par le gouvernement. On est pourtant loin d’une brigade environnementale surpuissante.

« Office français des blaireaux. » « On ne veut plus de cow-boys dans nos campagnes. » « OFB, tas de fumier. » L’acte II des mobilisations agricoles a débuté lundi 25 novembre. Parmi les désignés coupables : le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, la faiblesse des prix et des revenus agricoles et… l’Office français de la biodiversité (OFB), dont les 1 700 inspecteurs veillent au respect de la réglementation environnementale.

Le 20 novembre, « un tracteur a foncé dans un véhicule de service occupé par deux agents », a rapporté le SNE-FSU dans un communiqué. La veille, une trentaine de manifestants de la Coordination rurale ont forcé les portes d’un bâtiment de l’OFB à Guéret (Creuse). Le 18, des manifestants ont construit un mur en parpaings devant l’entrée des bureaux de l’OFP à Beauvais (Oise) et déversé des bennes de pneus et de fumier. Ces actes de violence sont les derniers d’une longue série. L’une d’entre elles aurait pu coûter la vie au directeur départemental de l’OFB du Tarn-et-Garonne, qui a découvert une de ses roues de voiture déboulonnée à la sortie d’une réunion organisée à la chambre d’agriculture.

L’OFB a été la cible de trente-six actions au premier semestre 2024, et de huit supplémentaires en octobre. Mi-novembre, elle a annoncé avoir déposé une cinquantaine de plaintes.

Le gouvernement à l’écoute des syndicats majoritaires (...)

Les préfets cornaquent les agents

Parmi les préconisations de l’ancien Premier ministre pour « faire baisser la pression » ? Placer les missions de l’office « sous la tutelle des préfets ». Début 2024, ces derniers ont ainsi demandé aux agents de l’OFB de lever le pied. Avec pour conséquence une baisse de 68 % des contrôles administratifs et d’un tiers des enquêtes judiciaires au premier semestre 2024, par rapport au premier semestre 2023. En mai, les syndicats agricoles ont obtenu que les agents portent une caméra embarquée et la création d’un corps de contrôle interne, sur le modèle de l’IGPN pour la police.

Des parlementaires Les Républicains (LR) se sont empressés de surenchérir. Le 25 septembre, une mission d’information sur l’OFB menée par le sénateur (LR) du Var Jean Baci a présenté une série de recommandations remettant en cause la légitimité de l’office et concourant à son affaiblissement : « port discret » de l’arme, dépénalisation de certaines infractions environnementales, « rééquilibrage des missions de l’OFB au profit de la prévention », etc. (...)

Lui-même agriculteur, le sénateur (LR) de la Haute-Loire Laurent Duplomb a carrément plaidé pour la suppression de l’OFB dans une proposition de loi présentée le 24 janvier.
Stigmatisation injuste

Les syndicats de l’OFB dénoncent avec force ce qu’ils perçoivent comme une stigmatisation injuste. L’OFB a deux missions, abusivement appelées « de contrôle », qui concernent tous les usagers de la nature. La première est une mission de contrôle administratif confiée par le préfet : par exemple, vérifier que tous les habitants et usagers d’un territoire respectent bien un arrêté sécheresse restreignant les usages de l’eau. La seconde est une mission de police judiciaire, réalisée sous l’autorité du procureur de la République, qui consister à relever des infractions au Code de l’environnement : épandage de pesticides à moins de 5 mètres d’un cours d’eau, drainage d’une zone humide, etc.

Les bilans annuels démontrent qu’on est loin du harcèlement (...)

Ce n’est pas non plus l’OFB qui « punit » l’agriculteur en délicatesse avec la réglementation. « Nous, on auditionne l’agriculteur et on dresse un procès-verbal. C’est le procureur de la République qui décide des suites à donner », explique à Reporterre Éric [1], chef de l’OFB dans un département du Massif central.

Il observe que le magistrat qui dirige le parquet se montre généralement clément (...)

Des contrôles légitimes

Même constat du côté de Guillaume Rulin, de l’EFA-CGC. « Sur 201 non-conformités relevées dans des exploitations agricoles en 2023, 115 ont été réglées sans poursuites, indique-t-il. Et quand des agriculteurs sont verbalisés pour non-respect des arrêtés sécheresse, il faut voir les peines prononcées : des amendes de 1 500 euros pour des exploitations de centaines d’hectares. »

Les agents interviewés par Reporterre insistent sur la légitimité des contrôles réalisés. (...)

« L’eau et l’air sont des biens communs, personne n’est censé se les approprier et les dégrader. »

Guillaume Rulin y voit aussi une manière de protéger les agriculteurs les plus vertueux. « Faire respecter la réglementation, c’est garantir que personne ne triche et que tout le monde est traité de manière équitable. » De nombreuses infractions sont d’ailleurs relevées par l’OFB à la suite de signalements effectués par des particuliers et parfois même des agriculteurs. (...)

L’immense majorité des contrôles d’agriculteurs se passe plutôt bien, aux dires des agents interviewés. (...)

Bonnes pratiques et bienveillance

L’OFB a adopté de longue date un éventail de bonnes pratiques pour pacifier ses relations avec le monde agricole. « Quand on constate une infraction chez un agriculteur, on voit avec la DDT s’il a déjà été contrôlé, s’il va mal, et on en discute avec le procureur. On essaie de ne pas rajouter des problèmes aux problèmes », raconte Adèle. Dans le département où Éric travaille, l’OFB n’intervient jamais le dimanche, sauf en cas de pollution grave, pour « laisser [les agriculteurs] tranquilles » ce jour-là. « Quand on doit auditionner un agriculteur, on attend qu’il ait fini ses moissons, on lui demande quand il est libre et on lui propose de le voir dans la gendarmerie la plus proche de chez lui plutôt que dans les bureaux départementaux de l’OFB pour lui épargner de longs trajets », témoigne-t-il. (...)

Plutôt que de régler les vrais problèmes — crise des prix agricoles, pollution de l’eau et aléas climatiques.