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« L’objectif, c’est d’être un média de masse » : entretien avec Le Média
#medias #LeMedia #Acrimed
Article mis en ligne le 27 juin 2024
dernière modification le 25 juin 2024

Alors que quinze autorisations d’émettre de chaînes de la TNT vont être soumises à renouvellement en 2025 (dont, notamment, CNews, C8, BFM-TV, W9, TMC ou encore LCI), 25 candidatures ont été déclarées recevables par l’Arcom. Parmi elles : Le Média. Entretien avec Bertrand Bernier, Khadija Jebrani et Théophile Kouamouo [1].

Bernier, Khadija Jebrani et Théophile Kouamouo [1].

Acrimed : Pouvez-vous, tout d’abord, nous présenter votre média ?

Khadija Jebrani : Le Média, c’est aujourd’hui une chaîne d’info qui est diffusée sur plusieurs supports : c’est une chaîne numérique qui a son site internet et, depuis octobre 2023, on est aussi diffusé sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), c’est-à-dire sur les box (pour le moment essentiellement sur la box Free). On est une chaîne d’information politique et générale, on est conventionné par l’Arcom depuis juillet 2023.

Notre ligne éditoriale s’attache à un certain nombre de valeurs qui sont issues du Manifeste au moment de la création du Média en 2018 : des valeurs qu’on dit « de gauche », c’est-à-dire des valeurs d’antiracisme, de féminisme, un média qui s’intéresse aux luttes sociales. Notre angle va être plutôt du côté du peuple, des syndicats et des personnes qui luttent… à qui on ne donne généralement pas la parole dans d’autres médias.

Avant d’aborder le changement d’échelle qu’impliquerait une diffusion sur la TNT, pouvez-vous faire un point sur votre production éditoriale actuelle et sur les moyens, notamment humains, dont vous disposez ? (...)

Jusqu’à il y a deux ans, on était une chaîne sur les réseaux sociaux comme Youtube, Dailymotion, Facebook et Twitter, etc. Et il y a deux ans, on a décidé de lancer un programme de diffusion 24-7 qui a commencé sur Youtube. La deuxième étape, c’était la diffusion sur les box Internet. Après, on a aussi environ une heure de programme nouveau tous les jours, qui peuvent être par exemple un entretien tourné la veille, monté la journée et diffusé le soir, ou tourné le matin et diffusé le soir, etc. Au total, on a donc trois heures environ de programmes nouveaux chaque jour. La nuit, on rediffuse des programmes qui peuvent être anciens mais qui sont un peu intemporels : par exemple les programmes « la grande H » qui est une émission d’histoire, ou « On s’autorise à penser » qui est une interview d’un penseur, d’un intellectuel, etc. La journée, à côté des programmes nouveaux, il y a aussi des rediffusions : un entretien du midi ou de la veille au soir par exemple.

(...)

On a eu un refus pas du tout argumenté de Bouygues, quand SFR n’a même pas daigné nous répondre. Quant à Orange, c’est encore en négociation. On a aussi un projet qui est en cours, on va être diffusé sur la plateforme de streaming Molotov.

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On veut essayer de ratisser tout le public qui regarde BFM-TV ou TF1, un peu partout en France. D’aller le chercher et qu’il y ait la possibilité de zapper sur une chaîne qui va parler et va avoir une façon d’analyser l’information générale et politique d’une façon complètement différente.
Khadija Jebrani : C’est vraiment la question de l’accessibilité aussi. Les gens qui veulent s’informer correctement, ils savent que les médias indépendants existent, ils savent où aller chercher l’info. Nous, on voudrait permettre à tout le monde d’avoir accès à cette information de qualité.

(...)

La vraie question, c’est rendre l’information de qualité et l’info pluraliste réellement accessible aux Français. Assez tôt, nous nous sommes posé la question de l’intérêt d’y aller avec d’autres médias indépendants. D’ailleurs, c’est ce qu’on a déjà fait pour les box, on avait lancé des appels à d’autres médias pour qu’ils puissent profiter de ce canal de diffusion pour aussi diffuser leur contenu. Donc on avait un peu commencé avec des plus petits médias et là on s’est dit en travaillant le projet que ça allait avoir plus de sens si on pouvait mettre à disposition cette fréquence. Donc on a rencontré plein de médias comme Reporterre, StreetPress, Regards… Il y a des projets qui sont en route. Il y en a d’autres qui sont encore en négociation, on attend des retours mais il y a aussi cette volonté-là de faire vraiment rencontrer l’info indépendante au grand public et de sortir aussi de l’entre-soi intellectuel de l’info.

(...)

Vous évoquez la publicité comme nouvelle source de financement. Qu’elle est votre politique à ce sujet ?

Khadija Jebrani : Dans l’idéal, il faudrait que Le Média ait sa propre régie. Mais dans les temps impartis… c’est trop court pour monter, en plus d’une candidature TNT, un projet de régie qui nous ressemblerait et ça nous mettrait quand même en difficulté pour accéder à l’objectif. Donc là, dans un premier temps, on passe par une régie traditionnelle, parce que les régies éthiques dans le monde de la télé, ça n’existe pas ! Si on a la fréquence, peut-être dans deux ou trois ans, on arrivera à monter une régie éthique, mais pour le moment, il faut faire avec le marché…
Bertrand Bernier : Dans certains domaines, pour l’armement ou le pétrole par exemple, ça m’étonnerait qu’on ait des pubs ! Mais après, on ne va pas chercher dans le détail de chaque entreprise qui ne serait pas parfaitement éthique, je ne pense pas qu’on puisse se le permettre, en tout cas au début du Média

. (...)

Ne craignez-vous pas d’être impactés par les conséquences qu’impliquent la publicité et le poids que peuvent prendre, directement ou indirectement, les annonceurs sur les contenus éditoriaux ?

Théophile Kouamouo : Le Média apporte une garantie. Il y a peu de médias, notamment audiovisuels, où la rédaction a des garanties d’indépendance telles que chez nous. Effectivement, il y a une rédaction en chef qui dirige toute la rédaction, mais il y a ce qu’on appelle le comité éditorial, c’est-à-dire que ce sont les journalistes qui peuvent se réunir et puis mettre leur voix au centre de la discussion. Ils peuvent censurer des options. Il y a la société des journalistes qui est aussi indépendante et il y a un directoire et un conseil de surveillance qui est lié par un manifeste, etc. Donc effectivement, a priori, on va essayer de rejeter la publicité qui sera la plus clairement contraire à nos valeurs, mais les mécanismes d’indépendance rédactionnelles, éditoriales sont quand même assez forts et le fait d’une contrainte coopérative ça rend les choses différentes : il n’y a pas de grand patron qui impose sa volonté.

(...)