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Mediapart
Jugé pour diffamation sexiste, l’écrivain François Bégaudeau plaide « l’humour beauf »
#sexisme #machisme #femmes
Article mis en ligne le 7 avril 2024
dernière modification le 5 avril 2024

L’auteur a comparu jeudi à Paris pour avoir notamment écrit en 2020 dans un forum de discussion en ligne que « tous les auteurs » des éditions La Fabrique « étaient passés » sur l’historienne Ludivine Bantigny. Elle avait déposé plainte contre lui, comme l’association Chiennes de garde.

UnUn écrivain de la gauche radicale, pourfendeur des logiques de domination masculine, à la barre d’un tribunal pour répondre d’accusations de « diffamation en raison de l’appartenance à un sexe ». Le procès qui s’est tenu jeudi 4 avril devant la 17e chambre du tribunal de Paris était à bien des égards unique en son genre. Et riche en enseignements.

Tout commence le 20 mai 2020, quand une éditrice de La Fabrique téléphone à l’historienne et universitaire Ludivine Bantigny pour lui dire qu’un post circule à son sujet sur les réseaux sociaux. Le texte reprend deux phrases écrites par François Bégaudeau dans un forum de discussion de son site officiel begaudeau.info : « Dans le milieu radical parisien, Ludivine est connue pour être jamais la dernière. Tous les auteurs de La Fabrique lui sont passés dessus, même Lagasnerie. » « J’ai été estomaquée, stupéfaite. Ça a été comme un coup de poing dans le ventre », a décrit au tribunal, encore éprouvée, l’universitaire de 49 ans, spécialiste d’histoire politique et sociale. (...)

« Je me suis sentie souillée. J’ai contacté des amis, je leur ai dit qu’il fallait d’abord que je prenne une douche pour me laver de cette souillure, a relaté Ludivine Bantigny. J’ai beaucoup réfléchi. Je souhaitais reprendre la maîtrise tellement c’était dégradant et humiliant. »

L’universitaire décide donc de partager le post elle-même sur Twitter, et d’écrire un mail à François Bégaudeau. L’adresse n’est pas la bonne. Mais elle reçoit rapidement un message de l’écrivain. Dans ce mail, pas d’excuses, mais des explications.

« Ce n’est pas une faute morale, c’est une faute de goût. » François Bégaudeau (...)

Je suis rentré dans le jeu, dans le rôle de celui qui va attiser la jalousie. C’est là que je commets ce post trivial, grossier. » « Il était passé relativement inaperçu, très peu commenté. C’était de l’humour de mauvais goût, beauf, tout ce qu’on veut », estime-t-il.

Aux yeux de François Bégaudeau, des « signaux » attestent de sa « blague ». (...)

« Quand je me mets en position d’humour, il arrive que la modalité sexuelle de l’humour arrive. J’ai un goût pour la trivialité. » (...)

Ludivine Bantigny, qui a pris la parole après lui, a justement détaillé l’effet délétère qu’avaient eu ces propos lâchés dans l’espace public sur sa vie. « Dans son mail, il m’a dit : “Vous qui êtes historienne, vous devriez comprendre le contexte.” Mais le contexte ne justifie rien ! Il a aussi expliqué m’avoir qualifiée d’historienne “géniale”, comme si ça enlevait quelque chose !, s’est-elle émue. Il n’a jamais voulu s’excuser, car on ne s’excuse pas de l’humour. Mais ce n’est pas de l’humour, c’est une violence sexiste, un outrage, une offense. »

« Comment faire de l’humour en faisant d’une femme un objet sexuel ? Un paillasson sur lequel les hommes passent ? », a ensuite interrogé l’universitaire. (...) Et de conclure : « Quand on se réclame de l’émancipation, la misogynie, on doit la combattre de tout son être. »

Décision le 27 mai (...)