Jordan Bardella participait en Italie à un grand meeting des extrêmes droites européennes, aux côtés d’alliés radicaux aux discours transphobes et complotistes, bien loin de la stratégie de normalisation du Rassemblement national
L’ancien premier ministre italien, leader de la Lega, avait invité tous ses alliés européens du groupe Identité et démocratie (ID), pour une réunion baptisée « Free Europe ». Sans Marine Le Pen, qui a préféré envoyer la tête de liste Jordan Bardella et s’est fendue d’un message vidéo, ni Geert Wilders, récent vainqueur des élections législatives aux Pays-Bas, en pleines tractations pour tenter de constituer une coalition de gouvernement. (...)
L’organisation du meeting, qui a rassemblé près de 2 000 personnes, a mis Florence en émoi. Le maire Dario Nardella, membre du Parti démocrate, s’est opposé à la venue des représentant·es d’extrême droite dans la ville, illuminant plusieurs bâtiments aux couleurs de l’Europe en signe de protestation. Plusieurs manifestations ont également eu lieu autour de la salle qui accueillait le ministre Matteo Salvini et ses alliés européens.
Face à la presse, le leader de la Lega a exposé les axes de sa campagne, pour « une Europe centrée sur le travail, la sécurité, une idée de la famille bien claire ». Ses adversaires, eux aussi, sont clairement désignés : « Nous proposons une vision totalement différente de celle de Van der Leyen, Lagarde et Soros, l’Europe des banquiers, des bureaucrates et des financiers. » Salvini est coutumier de la référence complotiste au milliardaire américain George Soros, cible régulière d’attaques antisémites, supposé œuvrer « pour supprimer la culture de [son] pays ».
Avec la présence d’alliés européens divers, membres du groupe ID ou aspirant à le rejoindre, ce premier meeting européen a surtout montré la radicalité des discours nationalistes de ces souverainistes européens qui siègent ensemble, parfois bien loin de l’entreprise de « normalisation » du Rassemblement national (RN). Jordan Bardella, président du parti, a balayé face à la presse ces divergences : « Ça s’appelle l’Union européenne, la devise c’est “unis dans la diversité”, a-t-il défendu. Je ne cherche pas des clones, je cherche des alliés au sein du Parlement européen. »
Prorusses et suprémacistes (...)
George Simion, représentant roumain du parti Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), a lui dénoncé « la gauche qui veut supprimer les nations et la famille naturelle », avant de convoquer l’auteur florentin Dante Alighieri : « Ce que nous voyons en Europe, c’est l’enfer. Nous avons des migrants, la désindustrialisation, le déclin du christianisme, l’interdiction d’utiliser les mots “père” et “mère”. C’est un vrai enfer. » La veille, le leader roumain avait affirmé sa volonté de rejoindre le groupe des conservateurs radicaux d’ECR au Parlement européen, concurrent du groupe ID, avant d’appeler à Florence, devant les journalistes, à une « union des partis souverainistes » au niveau européen pour lutter contre « les mondialistes, les néomarxistes et la gauche devenue folle ».
Un peu plus tard, Martin Helme, représentant estonien du parti Ekre, a pris la parole. Nationaliste, défenseur de la théorie du « grand remplacement », il s’était illustré en faisant le signe des suprémacistes blancs lors de son élection au Parlement estonien en 2019. À la tribune, il a fustigé pêle-mêle l’« ordre libéral » et « les fanatiques qui soutiennent la diversité », et dénoncé « le transgenrisme » et les « migrations de masse qui ont causé la mort et la destruction des sociétés ».
Tomio Okamura, leader tchèque radicalement islamophobe du parti Liberté et démocratie directe, qui suggérait en 2015 à ses partisans d’aller « promener des porcs près des mosquées », a lui aussi pris la parole. (...)
Discours complotistes
Les orateurs se sont succédé pendant deux heures, pour dénoncer « l’idéologie woke », « les bureaucrates de Bruxelles » et « l’écologie punitive » mais, surtout, l’immigration massive censée menacer « la civilisation européenne ». Présent à Florence pour représenter le RN, Jordan Bardella a dénoncé une Union européenne « ennemie de l’Europe […], qui cherche a imposer l’idéologie de la décroissance civilisationnelle, agricole et industrielle ». Sur scène, le président du RN a surtout prononcé un discours radicalement anti-immigration, dans la droite ligne de ses alliés présents à Florence. (...)
En fin de meeting, Matteo Salvini, lui, a de nouveau appelé à reproduire au niveau européen l’alliance actuellement au pouvoir en Italie entre Fratelli, la Lega et l’ancien parti de Silvio Berlusconi Forza Italia (...)
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Réunis à Florence, le RN et ses alliés européens veulent leur revanche
Au Parlement de Strasbourg, le groupe Identité et démocratie, dont le RN fait partie, s’est trouvé éclipsé ces derniers mois par celui des conservateurs radicaux, affiliés à Giorgia Meloni. Après la victoire de Geert Wilders aux Pays-Bas, ils espèrent tenir leur revanche aux européennes de 2024.
IlsIls ont été éclipsés pendant l’essentiel du mandat européen entamé en 2019. La poussée de Giorgia Meloni en Italie et de ses alliés ultraconservateurs les a isolés au Parlement de Strasbourg. Ils ont été tenus à distance des accords politiques qui font tourner la machine européenne.
Mais ils ont, à l’approche des élections européennes de juin 2024, l’impression de tenir leur revanche : les partis d’extrême droite membres du groupe Identité et démocratie (ID) à Strasbourg, dont le RN de Jordan Bardella, devaient mettre en scène leur unité, ce dimanche à Florence, au moment de lancer leur campagne en vue des européennes de juin 2024.
Le succès surprise de l’islamophobe Geert Wilders, vieil allié de Marine Le Pen, aux législatives du 22 novembre aux Pays-Bas (23,5 % des voix pour le Parti pour la liberté, PVV), a requinqué les troupes. « La victoire du PVV nous le dit, nous avons la possibilité, pour peu que les Français se mobilisent, de changer radicalement la majorité au sein du Parlement européen », s’est réjouie Marine Le Pen sur France Inter le 23 novembre. (...)