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Mediapart
Jeux olympiques, Tour de France : « Il faut abandonner ces grands événements »
#JO #TourdeFrance #urgenceclimatique
Article mis en ligne le 29 août 2024
dernière modification le 27 août 2024

Pour le skieur de fond Stéphane Passeron, ancien membre de l’équipe de France et ex-entraîneur handisport aux JO de Vancouver, les grands événements sportifs et culturels ne sont pas compatibles avec la situation de choc climatique.

(...) Vendredi 19 juillet, le collectif No JO 2030 dépose une demande en caducité auprès du Comité international olympique (CIO). Dans ce courrier, que Mediapart a pu consulter, les opposant·es à la tenue des Jeux olympiques (JO) d’hiver dans les Alpes demandent au CIO de considérer la candidature française comme caduque, c’est-à-dire périmée.

Premier problème : le risque financier pour les régions concernées (Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côtes d’Azur). La France n’a en effet toujours pas signé la garantie financière par laquelle le pays hôte s’engage à couvrir les éventuels déficits de l’événement. Or seule une personne engageant le gouvernement peut le faire. La dissolution et l’incertitude institutionnelle qui s’est ensuivie rendent le calendrier de cet engagement très flou. (...)

Autres points soulevés par les opposant·es aux JO : dans sa nouvelle configuration, le Parlement pourrait rejeter les lois olympiques indispensables au vote du budget de l’événement, ainsi que toute une série de dispositions d’exception (fiscales, sécuritaires, urbanistiques, etc.).

Ils dénoncent l’illégalité de la candidature française, qui aurait dû, selon eux, faire l’objet d’un débat public, compte tenu des impacts des aménagements sur les écosystèmes. Et alertent sur les destructions environnementales et les dégâts climatiques que causeraient ces Jeux dans le milieu désormais très vulnérable de la montagne française (...)

C’est au nom du climat et de l’impératif écologique que le skieur de fond Stéphane Passeron s’oppose aux JO de 2030 dans les Alpes. Athlète de haut niveau, membre de l’équipe de France pendant vingt ans, puis entraîneur de l’équipe de France de ski nordique handisport aux JO de Vancouver en 2010, il est aujourd’hui moniteur dans la vallée du Champsaur. Il fait partie de la délégation qui demande à être entendue par le CIO et explique à Mediapart pourquoi il appelle à en finir avec les grands événements sportifs et culturels. (...)

On s’adresse au CIO pour que le comité se rende compte qu’il y a un problème en France. Parce qu’ils n’arrêtent pas de dire au CIO que tout va bien, que tous les Français veulent ces Jeux olympiques. Alors que de nombreux sondages indiquent que ce n’est pas vrai. Et on veut expliquer aux Français que les montagnes s’effondrent et que donc, on n’en est plus à faire ce genre d’événement.

(...)

On ne peut plus faire de grands événements comme ça, au vu de la situation climatique mondiale, que ce soit la Coupe du monde de foot ou même le Tour de France, avec ses 2 500 voitures, ses dix hélicoptères et ses trois avions. Il y a une problématique entre nos constats environnementaux et nos choix de société. Le sport est hyper impactant au niveau environnemental.

(...)

Le Vercors n’avait pas eu de neige de l’hiver. La Transjurassienne, qui est une épreuve de ski de fond très connue, a été annulée. Il n’y a plus de neige. Et on ne peut pas dire que c’est une surprise puisque le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – ndlr] nous l’annonce depuis longtemps. J’habite une toute petite vallée. Tous nos sentiers de randonnée ont été abîmés et il y en a même qui ont disparu. Il y a un refuge au fond de la vallée : la piste pour y accéder a sauté. En bas de la vallée, ça fait deux ou trois fois cette année qu’il y a eu un énorme éboulement qui nous a coupés de l’extérieur, parce que ça dégèle au mois de janvier maintenant.

Il n’y a plus que les grosses stations qui arrivent à s’en sortir, celles qui sont très hautes. En bas, les stations sont toutes à la neige artificielle. Cela a un coût énergétique et financier monstrueux

(...)

’ils font croire à la population qu’on peut continuer comme avant. Alors que non, on ne peut plus. C’est juste ça. Et c’est là où ça dépasse le cadre de ces Jeux olympiques. Les JO, c’est un moment, ce n’est qu’une partie du monde. Mais c’est à l’image de ce qui se passe dans le monde entier.

(...)

Cette candidature, c’est une manière de continuer comme avant. On va construire des baraques, le prix de l’immobilier va exploser, alors qu’on n’arrive déjà plus à se loger dans les Alpes car c’est devenu trop cher. Ils nous disent que cette candidature est faite pour faire de la publicité pour les Alpes, alors qu’on est déjà saturés de touristes. À Briançon, ils sont en train de fermer des classes. Par contre, le nombre de maisons secondaires est en train d’exploser. Les faits scientifiques et le rapport du Giec montrent qu’on va se prendre une hausse de 4 °C si on continue comme ça, et eux, ils font des incantations. Ils disent que ça va aller.

Pensez-vous qu’il faut abandonner l’idée des JO d’hiver ?

Pas que les JO d’hiver : il faut abandonner les grands événements.

(...)

Je pense que tout grand événement, même les grands concerts de rock et les grands festivals, il faut le questionner. Ce sont des tonnes de watts dépensées à chaque fois. Si on ne fait pas entrer dans les têtes des gens qu’on ne peut pas continuer comme ça, on n’y arrivera pas. Le groupe Shaka Ponk a décidé d’arrêter ces tournées. Ça commence à bouger un peu chez les sportifs aussi.

(...)

Comme on parle de faire de l’agriculture locale, il faut faire du sport local. C’est génial, le sport. Et est-ce que le plaisir sera vraiment différent ? On peut aussi garder du bonheur à faire un petit trail de village, à faire une petite course de ski, à faire une petite course de vélo, se retrouver entre une trentaine de gars du coin et derrière on se fait un petit barbecue. C’est une vision du monde. Si on ne veut pas tout perdre, il faut lâcher des choses.

Et on gardera des choses peut-être plus simples. Mais est-ce qu’on sera plus malheureux ?

Le déni, il est partout. C’est très dur. Aujourd’hui [jour de l’interview, mercredi 17 juillet – ndlr], il y avait le Tour de France qui passait à Gap. Les gens y vont car ils peuvent toucher du bout des doigts un truc exceptionnel. J’entends, je le comprends, je l’ai ressenti, je l’ai vécu. Mais juste, on ne peut plus. Si vous aimez vos enfants, si vous aimez la vie, il va falloir arrêter ça, c’est tout.