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"J’étais aux toilettes dans le train, ils sont rentrés et m’ont tirée dehors" : Edwige, Ivoirienne arrêtée à la frontière franco-italienne
#migrants #Vintimille #racisme
Article mis en ligne le 5 octobre 2023
dernière modification le 4 octobre 2023

De la Tunisie où elle a subi la vague de violences anti-Noirs aux contrôles au faciès dans les trains entre l’Italie et la France, Edwige*, Ivoirienne de 33 ans, témoigne d’un parcours migratoire marqué par les discriminations racistes. Partie de Côte d’Ivoire il y a près de quatre ans, elle retrace comment elle et son groupe de compagnons d’exil ont été poussés en dehors de la Tunisie, puis poussés hors d’Italie, avant que la France ne leur oppose, à son tour, un refus de se stabiliser sur le territoire.

"Je me suis toujours battue seule. En Côte d’Ivoire, je n’avais personne pour me soutenir [Edwige a été victime de graves violences de la part de son mari, et forcée de laisser derrière elle ses enfants]. Des amis m’ont conseillé de venir en Tunisie pour m’en sortir. J’ai commencé par un contrat de six mois, mais on ne m’a pas payé. Je suis restée trois ans en Tunisie, pour faire un peu d’argent.

Mais en Tunisie, on n’était pas en paix. Ces derniers mois, même quand tu es un enfant ou une femme, on te prend dans la rue et on t’emmène dans le désert… Tu te dis : ’Mais qu’est-ce que j’ai fait ?’ Mais ce n’est pas ça le problème. Le problème, c’est que tu as la peau noire.

Moi, on m’a agressée, deux fois. J’ai été violée par deux jeunes Tunisiens. Quand je raconte cela aujourd’hui, ça me fait mal au cœur (...)

ils avaient fait sortir tous les Noirs du train. (...)

Sur le quai, ils ont demandé : ’Qui a des papiers ?’ Beaucoup n’en avaient pas. Nous, on a montré tous nos documents, la carte de la Croix-Rouge, on a essayé d’expliquer... Mais cela n’a abouti à rien. Ils ont fouillé nos affaires, pour voir si l’on avait rien de dangereux. Il y avait une femme policière pour fouiller spécialement les femmes. Après, ils nous ont embarqué dans différents véhicules.

Dans leur voiture, on ne pouvait même pas sortir. Ils avaient fermé les portières. Un jeune voulait uriner : ils ne l’ont pas laissé descendre. Il a dû se retenir pendant des heures, le temps que d’autres arrivent, puis que l’on nous descendent au poste-frontière. Là, ils ont pris nos noms, puis ils nous ont fait rentrer dans les containers. Il était 22 heures.

Ils nous ont donné de la nourriture. Mais la petite chambre où ils nous ont mis n’avait pas assez d’espace : on était tous coincés… Il y avait peut-être 30, 40 personnes. Des bébés, des mineurs. Ils nous ont entassés comme ça, il faisait chaud. Et ils ont fermé à clef. On ne peut pas sortir. C’est comme une prison. Il n’y a pas de place pour dormir. On a mis des cartons par terre.

Le matin, ils sont venus ouvrir vers 7h ou 8h. Ils nous ont conduit à la police italienne, qui nous a donné un autre document. Dieu merci, nous avons pu emprunter un bus pour rentrer à Vintimille : on avait un peu d’argent, on a payé un ticket de bus, 2,50 euros chacun. (...)

Nous, on veut juste que des autorités étudient notre dossier. Si l’on a bougé depuis l’Italie, c’est parce qu’on nous a dit : vous êtes libres, la Croix Rouge française va vous accueillir... Moi, je le comprends de cette manière : comme il y a du monde en Italie, on veut se débarrasser des gens, même s’il n’y a pas de route sûre. C’est pour nous libérer, pour que l’on aille plus loin. (...)