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« J’ai eu envie de vomir » : ces écolieux embarrassés par leur partenariat avec les Smartbox de Pierre-Edouard Stérin
#ecolieux #Smaratbox #Sterin #extremedroite
Article mis en ligne le 24 décembre 2025
dernière modification le 22 décembre 2025

Gîtes, cabanes, écocampings... Les prestataires de séjours nature proposés dans les Smartbox sont, pour beaucoup, gênés. Le propriétaire de ces coffrets-cadeaux est en effet le milliardaire d’extrême droite Pierre-Édouard Stérin.

Nuits insolites en yourte ou en tipi, séjour dans une cabane dans les arbres, escapade en montagne… Avec les coffrets-cadeaux, toujours très prisés à Noël, il y a moyen de faire plaisir à vos proches amoureux de la nature. Smartbox, le n°2 du marché (derrière Wonderbox), a franchi un pas de plus en octobre en matière d’offres « nature ». Il a lancé une collection de quatre coffrets en partenariat avec Explora Project, une agence spécialisée dans les « voyages d’aventure bas carbone ».

Au programme : deux nuits en bivouac dans le Vercors avec trek en autonomie avec un guide expérimenté ou encore trois jours dans la vallée du Mont Blanc avec nuits en refuge et initiation à l’alpinisme. « C’est une invitation à vivre l’aventure plutôt qu’à la consommer, à se reconnecter à l’essentiel, à soi, et au monde vivant », communique Smartbox sur le réseau social LinkedIn. Il précise à Reporterre que ce type d’offres à caractère écoresponsable fait partie « des segments qu’[il] développ[e] ».
Un vrai malaise chez certains opérateurs de tourisme

De son côté, Explora Project voit ce partenariat comme un galop d’essai. Créée en 2018 à Annecy, la société propose un catalogue sans aucun vol long-courrier et dont plus de 80 % des offres sont accessibles en train. Elle affiche par ailleurs un objectif zéro déchet sur les séjours et une sélection d’hébergements à faible consommation énergétique. « Smartbox est venu nous démarcher, explique le cofondateur et dirigeant Stanislas Gruau, à Reporterre. Nous nous sommes dit "pourquoi pas ?". Nous n’avions encore jamais expérimenté la vente physique, en magasin. C’est très expérimental, le partenariat ne concerne que 4 aventures sur les 200 que nous proposons. »

Mais aujourd’hui, s’associer à Smartbox suscite des interrogations, si ce n’est un vrai malaise pour un certain nombre d’opérateurs de tourisme. En cause, l’idéologie de son fondateur et propriétaire : Pierre-Édouard Stérin. En juillet 2024, le journal L’Humanité dévoilait les ambitions politiques de ce milliardaire d’extrême droite, exilé fiscal en Belgique, qui doit sa fortune aux coffrets cadeaux qu’il commercialise depuis 2003. À travers son projet dénommé Périclès (pour Patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes), Pierre-Édouard Stérin veut investir 150 millions d’euros sur les dix prochaines années pour faire progresser les idées extrémistes dans la société française. Parmi ses objectifs : aider le Rassemblement national à « gagner 300 villes » aux municipales de 2026. (...)

Smartbox serait-il confronté à une hémorragie de ses partenaires ? Si les révélations en 2024 concernant le projet Périclès ont suscité des réactions de la part de ses partenaires, Smartbox France précise à Reporterre que ce n’est que « de façon très marginale ». Il faut dire qu’au regard des entretiens que nous avons menés avec une dizaine de marques, choisies pour leur offre tournée vers l’écologie, nombre d’entre elles sont persuadées que M. Stérin a revendu sa société. « Je savais qu’il était le fondateur de Smartbox, mais je pensais que ça ne lui appartenait plus, assure Stanislas Gruau d’Explora Project. J’ignorais ses liens actuels avec l’entreprise quand j’ai signé le partenariat. »

En effet, le milliardaire réactionnaire a tenté à plusieurs reprises, au cours des dernières années, de vendre Smartbox, comme le racontait Libération cet été. En vain : le modèle économique sur lequel repose la société — le profit se réalise surtout sur le taux de coffrets non utilisés — a été jugé trop risqué par les éventuels acquéreurs. Son principal concurrent, Wonderbox, a lui aussi abandonné son projet de rachat face au possible véto de l’Autorité de la concurrence. Selon Libération, Smartbox ne serait plus à vendre aujourd’hui.

Figurer dans les coffrets donne une énorme visibilité

D’autres hébergeurs ignorent tout à fait à qui appartient l’entreprise. (...)

Quant à celles et ceux qui savent qui est le fondateur de Smartbox, peu ont franchi le cap de couper tout lien avec le vendeur de coffrets-cadeaux. Même si tous affirment ne pas « du tout » partager les valeurs ultraconservatrices de son patron, Smartbox reste un acteur majeur dans le secteur. Figurer dans ses coffrets, mis en avant dans les linéaires de la Fnac ou des grandes surfaces, donne une énorme visibilité. (...)

« Des mastodontes qui écrasent tout »

Reste la question : faut-il séparer l’homme de l’entreprise ? Stanislas Gruau estime que rien dans la mission de l’entreprise Smartbox « n’est en lien avec le projet politique » de son fondateur. « Certes, Stérin n’est pas CEO [directeur général] de la boîte, mais c’est l’actionnaire principal, et c’est bien lui qui perçoit les bénéfices », pense pour sa part Didier Boulvin, de Coddy Games.

Les autres plateformes de tourisme ne font pas forcément mieux, argue Olivier Clerc, fondateur et dirigeant d’Ecôtelia, un camping insolite et écoresponsable en Gironde, détenteur du très sélect Ecolabel européen. (...)

Les engagements politiques à l’extrême droite de l’entrepreneur commencent à ternir l’image du groupe, en proie à des difficultés financières. Selon plusieurs médias, dont Le Monde, son entreprise souffre d’un grave manque de liquidités, mettant à l’arrêt nombre de projets.