
Pendant deux jours, lundi 5 et mardi 6 mai, la directrice générale de l’Organisation internationale des migrations (OIM) a enchaîné les rendez-vous à Tunis avec différents responsables tunisiens pour échanger sur la question migratoire dans le pays. "Rencontre très productive hier avec Kaïs Saïed, président de la République tunisienne", qui permet de "réaffirmer le partenariat stratégique de l’OIM avec la Tunisie", a déclaré Amy Pope, sur le réseau social X.
Lors de ces échanges, les discussions ont principalement tourné autour du programme de "retour volontaire" des migrants vers leur pays d’origine, cher au gouvernement tunisien. Fin mars, le chef de l’État avait appelé l’agence onusienne à intensifier ses efforts pour assurer les "retours volontaires" des personnes subsahariennes en situation irrégulière en Tunisie.
"Accélérer les retours volontaires"
Une demande réitérée au cours de cette visite : "Le Président a appelé l’Organisation internationale des migrations à redoubler d’efforts pour faciliter le ‘retour volontaire’ de ces ’réfugiés’ et leur permettre de recevoir un soutien financier jusqu’à ce qu’ils s’installent dans leur pays", peut-on lire dans un communiqué de la présidence tunisienne. (...)
la directrice générale de l’OIM a salué les résultats obtenus ces derniers mois et souligné "l’évolution positive de la coopération entre Tunis et l’agence onusienne au cours des dernières années, (…) notamment dans le développement de voies légales d’immigration", d’après le communiqué du ministère des Affaires étrangères. Amy Pope s’est par ailleurs engagée à accentuer les campagnes de sensibilisation auprès des exilés pour les inciter à rentrer "volontairement" dans leur pays.
"Humanité et dignité"
Pendant deux jours, le gouvernement a également rappelé "la position ferme de la Tunisie qui refuse d’être la porte d’entrée ou une base pour les immigrés clandestins", est-il écrit dans le communiqué de la présidence. (...)
Le chef de l’État affirme que son pays a toujours agi avec "humanité et dignité" dans sa gestion des migrants, notamment lors d’évacuations des campements informels le long de la route qui relie Sfax à Jebeniana, dans le centre-est du pays. (...)
Début avril, la Garde nationale tunisienne a mené une opération d’ampleur dans la zone. Plusieurs campements ont été démolis par les autorités. Les exilés qui ont subi ces démantèlements ont décrit à InfoMigrants des scènes violentes, une destruction quasi-totale de leurs affaires et l’absence de proposition d’hébergement alternatif. "On n’a plus rien", expliquait à InfoMigrants Bairo, un Gambien de 25 ans, joint par téléphone. "Ils nous disent de partir mais partir pour aller où ? On a aucun endroit où aller". Depuis, les Subsahariens survivent dans des petits camps adjacents, encore plus précaires que ceux détruits par les policiers.
Pour le gouvernement tunisien, les démantèlements n’ont en rien bafoué les droits humains. (...)
Des migrants harcelés par les autorités
Depuis deux ans, le quotidien des migrants en Tunisie n’a cessé de se dégrader. Le discours raciste du président tunisien en février 2023 – fustigeant des "hordes de migrants clandestins" dont la présence en Tunisie serait source de "violence et de crimes " - a marqué le début d’une intense répression envers les Noirs dans le pays. Les autorités ont interdit aux ressortissants tunisiens d’embaucher les personnes en situation irrégulière, ou de leur louer des appartements.
"Il ne faut pas non plus sous-estimer la pression de l’opinion publique qui pousse le gouvernement tunisien à appliquer une politique sévère envers les migrants subsahariens en situation irrégulière", expliquait ce mois-ci Hassen Boubakri, un professeur spécialiste des migrations.
Les exilés, eux, se disent harcelés par la population et les autorités. Partout en Tunisie, des Subsahariens se retrouvent au chômage forcé, expulsés de leur logement. D’autres sont interpellés chez eux, dans la rue, les commerces, les taxis... et abandonnés dans le désert, à la frontière entre l’Algérie ou la Libye. InfoMigrants a reçu ces dernières années des dizaines de témoignages de personnes traumatisées par ces expulsions illégales au regard du droit international.
La plupart des migrants racontent avoir subi des brimades et des violences de la part des forces tunisiennes. (...)
Lorsqu’ils ne sont pas expulsés dans le désert, les exilés risquent d’être envoyés en prison. Les Subsahariens sont de plus en plus nombreux à être condamnés pour "séjour irrégulier" par la justice tunisienne et à écoper de plusieurs mois de détention aux côtés de prisonniers de droit commun.