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"Ils présentent Calais comme un champ de bataille" : ces groupuscules britanniques anti-migrants dans le nord de la France
#groupusculesantimigrants
Article mis en ligne le 26 décembre 2025

"Opération Overlord", "Raise the Colors"... Des groupes de civils britanniques d’extrême droite organisent depuis plusieurs mois des actions dans le nord de la France pour lutter contre les traversées illégales de la Manche. Face à ce phénomène anti-migrants, des associations françaises condamnent l’inaction des gouvernements britannique et français. "Se faire justice soi-même ne résoudra pas le problème", a déclaré le Home Office à InfoMigrants.

Le mouvement britannique baptisé "Opération Overlord" organise des actions dans le nord de la France pour tenter d’empêcher les traversées clandestines de la Manche. Ses membres - des civils - patrouillent le long du littoral français pour détruire les petites embarcations à bord desquelles des migrants espèrent rejoindre les côtes du Royaume-Uni.

Sur les réseaux sociaux, les membres "d’Opération Overlord" publient des vidéos pour expliquer qu’ils "traquent [les migrants dans] les dunes" et recherchent des canots pneumatiques. Le journal britannique The Guardian rappelle que ces groupes d’autodéfense harcèlent des migrants et qu’ils n’agissent dans aucun cadre légal.

Un autre de ces groupes se fait appeler Raise the Colours. Leur montée en puissance inquiète les associations d’aide aux migrants en France.

"Force civile de contrôle des frontières"

Raise the Colours attire déjà des milliers de personnes. Plus de 5 500 Britanniques se seraient portés volontaires pour se rendre en France et participer à ces patrouilles. Sur son site web, le mouvement sollicite ouvertement des dons allant de 10 à 2 000 livres sterling (entre 11 et 2 300 euros environ) pour financer une "force civile de contrôle des frontières".
(...)

Le groupe a également diffusé des demandes d’équipement comprenant des gilets anti-couteaux, des caméras thermiques, des drones, des radios cryptées et de puissantes lampes torches.

Raise the Colours n’a pas répondu aux sollicitations d’InfoMigrants. (...)

"Une auto-justice en grande partie symbolique"

Dans son ouvrage intitulé "Towards a vigilant society : from citizen participation to anti-migrant vigilantism" ("Vers une société vigilante : de la participation citoyenne à la vigilance anti-migrants"), l’auteur Matthijs Gardenier examine ce phénomène qui met en scène des patrouilles spectaculaires, des appels à la vindicte populaire et au harcèlement en ligne.

"Ces actions façonnent une vision du monde qui présentent la situation à Calais et à Douvres non pas comme une crise humanitaire, mais comme un champ de bataille, représentant les migrants comme des envahisseurs et les justiciers comme des défenseurs héroïques", écrit Matthijs Gardenier. "Bien que cette auto-justice soit en grande partie symbolique, mise en scène principalement pour être visible sur les réseaux sociaux, elle contribue néanmoins à créer une atmosphère conflictuelle et débouche parfois sur des intimidations dans le monde réel".

Début décembre, neuf associations - dont Utopia 56 - ont dénoncé ces "pratiques d’intimidation" et condamné la "réponse insuffisante" des gouvernements britannique et français, estimant que cela "contribue à normaliser et à encourager des pratiques violentes et xénophobes qui menacent directement les personnes exilées ainsi que leurs soutiens associatifs". (...)

Montée en puissance des "chasseurs de migrants" à travers l’Europe

Les Britanniques ne sont pas les seuls à ériger des groupes de défense anti-immigration. À travers l’Europe, des mouvements similaires ont gagné en popularité, se présentant comme les défenseurs des communautés locales et intervenant là où, selon eux, les autorités ont échoué. (...)

Le réseau Radicalisation Awareness Network (RAN), une initiative financée par l’Union européenne (UE), a étudié "l’internationalisation croissante" de l’extrémisme de droite. Ses recherches montrent comment les réseaux sociaux contribuent à normaliser les discours haineux, en particulier ceux qui visent les migrants et les demandeurs d’asile. (...)

Ces groupes se présentent généralement en protecteurs face à des migrants qui représenteraient une menace.

Selon l’étude, les mouvements d’extrême droite en Europe ne se limitent plus aux sous-cultures jeunes comme les skinheads ou les néonazis. Ils impliquent désormais des adultes de tous âges et de toutes professions.

Le RAN cite une étude norvégienne qui montre un changement notable : l’âge moyen de la radicalisation est passé d’environ 22 ans dans les années 1990 à 31 ans dans les années 2010. Les personnes plus âgées, qui disposent de plus de ressources, de contacts et d’expérience sont de plus en plus souvent à l’origine de ces mouvements.

Au Royaume-Uni, l’organisation anti-extrémisme Hope Not Hate constate également une forte hausse des actions anti-migrants (...)

Bien financé et bien structuré

La journaliste brésilienne Andrea Dip s’est penchée sur la dynamique de groupes comme Raise the Colours dans le paysage politique d’extrême droite. Selon elle, ces mouvements ne sont ni chaotiques ni désorganisés.

Une étude réalisée en 2025 par le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF) a révélé que des groupes d’extrême droite - russe ou américain parfois - ont transféré plus d’un milliard d’euros à travers l’Europe entre 2019 et 2023.

Ces réseaux diffusent des discours anti-immigrés dans les médias, les ONG et les partis politiques. Leurs messages, qui incluent des slogans tels que "Make Germany great again" (Rendre à l’Allemagne sa grandeur) ou "La Pologne aux Polonais", sont délibérément conçus pour présenter le nationalisme comme du patriotisme. (...)