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"Il y a de la peur, mais aussi de la solidarité" : face à la crise humanitaire, la Pologne au défi de l’accueil des migrants
#migrants #Pologne #Bielorussie #immigration
Article mis en ligne le 11 mai 2024
dernière modification le 9 mai 2024

Alors qu’un immense élan de solidarité a gagné le pays en 2022 après l’invasion russe en Ukraine, l’accueil des exilés syriens, afghans, ou africains, lui, divise davantage la population. Résultat, selon de nombreux observateurs, de "l’instrumentalisation des migrants" exercée depuis le début des arrivées en 2021 par l’ex-gouvernement conservateur.

(...) "Tous les jours depuis deux ans, je vois passer les garde-frontières près de ma maison. J’entends aussi des bruits de la frontière. Et mes chiens aboient très souvent". Elle confie également "ne plus se sentir en sécurité". Pas à cause de la présence des migrants, mais "parce que les véhicules des policiers et des soldats traversent le village beaucoup trop vite". "Je comprends la situation des migrants, finit-elle par ajouter. Mais je comprends aussi celle du gouvernement, qui veut protéger notre territoire".

Pendant près de deux heures, les participants échangeront sur leurs sentiments face à la situation qui prévaut à la frontière et à la crise humanitaire dénoncée par les associations. "Ici, on écoute les opinions de tout le monde, explique Malgorzata Rycharska, membre de POPH et de Hope and Humanity. Au quotidien, on entend beaucoup les voix du gouvernement et des activistes sur ce qui se passe dans cette zone. Mais très rarement celle de la population qui y vit".
Plus d’un million d’Ukrainiens accueillis

La solidarité des habitants de la région, comme de tous les Polonais, a été mise en lumière après le 24 février 2022 et l’invasion russe en Ukraine. Durant plusieurs mois, des centaines de milliers de personnes fuyant la guerre se sont réfugiées en Pologne. Deux ans plus tard, le pays accueille toujours près d’un million de déplacés ukrainiens sur son territoire, un accueil souvent érigé en exemple en Europe. "Je ne connais pas une seule personne autour de moi qui n’ait pas hébergée un citoyen ukrainien chez elle, affirme Faustyn, membre de l’association Grupa Granica. Alors pourquoi est-ce qu’elles ne font pas la même chose pour les exilés afghans, syriens, africains ?".

En décembre 2021, des Polonais avaient pris l’initiative de placer des lumières vertes à leurs fenêtres. Un signe qui indiquait aux migrants de la frontière qu’ils pouvaient venir frapper à leur porte pour obtenir de l’aide : un abri pour la nuit, des vêtements, des vivres ou encore la possibilité de recharger leur téléphone. Mais cet élan de solidarité bienvenu s’est finalement éteint, les mois passant. (...)

D’après les associations, cet état de fait est une des conséquences du discours anti-migrants déployé avec force par le parti conservateur Droit et Justice (PiS), au pouvoir de mai 2015 à octobre 2023. C’est d’ailleurs sous ce gouvernement que la Pologne a fait construire un mur s’étalant sur les 186 km de la frontière biélorusse. C’est aussi ce parti qui a multiplié les effectifs policiers à cet endroit et rendu légal les "pushbacks" vers la Biélorussie – pratique pourtant contraire à la Convention de Genève dont la Pologne est signataire.

Ces prises de position ont d’ailleurs été portées en étendard par l’ancien Premier ministre Mateusz Morawiecki durant la dernière campagne pour les élections législatives à l’été 2023 (...)

Ce discours hostile aux migrants s’exprime parfois lors des réunions organisées par POPH. À Wojnówka, un habitant d’un certain âge s’étonne "que personne n’aide les garde-frontières à faire leur travail". "Les migrants n’ont pas besoin d’assistance, je les vois souvent, moi, et ils sont jeunes et en bonne santé", maugrée-t-il.

À leur arrivée dans la région, juste après avoir passé la frontière, il est souvent difficile pour les exilés de trouver de l’aide. (...)

Ce discours hostile aux migrants s’exprime parfois lors des réunions organisées par POPH. À Wojnówka, un habitant d’un certain âge s’étonne "que personne n’aide les garde-frontières à faire leur travail". "Les migrants n’ont pas besoin d’assistance, je les vois souvent, moi, et ils sont jeunes et en bonne santé", maugrée-t-il.

À leur arrivée dans la région, juste après avoir passé la frontière, il est souvent difficile pour les exilés de trouver de l’aide. (...)

Malgorzata Rycharska l’admet : ’Il y a de la peur, du rejet parfois de la part de la population. Mais il y a aussi de la solidarité. De nombreux habitants que nous rencontrons lors de nos réunions nous disent être déjà venus en aide aux migrants. En leur offrant de l’eau, de la nourriture, ou des vêtements par exemple, soutient-elle. Cette solidarité-là, elle n’est pas visible, mais elle existe".
"Des gens comme moi"

Certaines personnes se sont par ailleurs retrouvées à porter assistance aux exilés du jour au lendemain. Ancienne anthropologue, Joanna Jarnecka est depuis février 2022 salariée de Grupa Granica. "Malgré la gravité de la situation à la frontière, les gens n’ont pas toujours conscience de qu’il se passe. C’est aussi pour alerter sur le sort des exilés que j’ai changé de vie", explique l’activiste qui produit aussi des œuvres d’art sur le thème de la migration.

À 17 ans, Mateusz, lui, consacre tout son temps libre à apporter de la nourriture, de l’eau ou des chaussures neuves aux migrants dans la forêt. (...)

Malgorzata Rycharska l’admet : ’Il y a de la peur, du rejet parfois de la part de la population. Mais il y a aussi de la solidarité. De nombreux habitants que nous rencontrons lors de nos réunions nous disent être déjà venus en aide aux migrants. En leur offrant de l’eau, de la nourriture, ou des vêtements par exemple, soutient-elle. Cette solidarité-là, elle n’est pas visible, mais elle existe".
"Des gens comme moi"

Certaines personnes se sont par ailleurs retrouvées à porter assistance aux exilés du jour au lendemain. Ancienne anthropologue, Joanna Jarnecka est depuis février 2022 salariée de Grupa Granica. "Malgré la gravité de la situation à la frontière, les gens n’ont pas toujours conscience de qu’il se passe. C’est aussi pour alerter sur le sort des exilés que j’ai changé de vie", explique l’activiste qui produit aussi des œuvres d’art sur le thème de la migration.

À 17 ans, Mateusz, lui, consacre tout son temps libre à apporter de la nourriture, de l’eau ou des chaussures neuves aux migrants dans la forêt. "Le gouvernement disait tout le temps : Les terroristes à la frontière ont fait ci’, ‘les terroristes sont de plus en plus nombreux’. Je voulais voir qui étaient vraiment ces personnes. Et j’ai découvert des familles, des personnes ordinaires. Des gens comme moi".