
Les "retours volontaires" de migrants se multiplient ces derniers mois depuis des pays comme la Tunisie ou la Libye. Mais ces rapatriements chapeautés par l’ONU sont perçus par les chercheurs comme des expulsions déguisées, "la seule alternative possible" pour des migrants résignés, victimes de racisme et d’exactions.
"Il n’y a rien de moins volontaire que les ’retours volontaires", ont décrypté des chercheurs face à la forte hausse de demandes de rapatriement de migrants, "acculés" aux frontières sud de l’Europe.
"C’est très dur ici. C’est compliqué", confie Mac*, un Guinéen de 24 ans, rencontré il y a quelques semaines par l’AFP lors de l’évacuation de camps de fortune à El Amra, près de Sfax, dans le centre-est de la Tunisie. Comme de nombreux migrants, las, le jeune homme s’est inscrit auprès de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour bénéficier d’un accompagnement afin de rentrer chez lui.
Développés depuis 1979, les programmes d’aide aux retours volontaires (ARV), soutenus par l’OIM n’ont jamais eu autant de succès en Tunisie, Libye ou encore en Algérie, points de passage pour les migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui tentent de rejoindre l’Europe.
"La seule alternative possible" (...)
En Tunisie et en Libye, les conditions de vie sont délétères pour les Africains subsahariens, victimes de racisme, d’exactions, de kidnapping, d’abandons dans le désert, voire de meurtres. La plupart peinent à se loger, vivent dans des campements insalubres, avec un accès limité voire inexistant aux soins. La rédaction d’InfoMigrants a déjà reçu de nombreux témoignages de migrants racontant leur calvaire. (...)
Ces "retours volontaires" s’inscrivent alors dans un "processus de vulnérabilité accrue", explique de son côté Ahlam Chemlali, chercheuse en migration à l’Institut danois pour les études internationales (DIIS), interrogée par l’AFP. Leur situation est devenue "de plus en plus précaire et dangereuse" et "pour beaucoup, le programme de ’retour volontaire’ est devenu la seule alternative possible". (...)
Selon les textes internationaux, les participants au programme ne doivent pourtant subir "ni pressions physiques ou psychologiques" et avoir accès à des informations "objectives et fiables" sur lesquelles fonder leur décision de partir.
L’OIM se défend d’expulsions déguisées (...)
Ces programmes de "retours volontaires" s’inscrivent dans une politique d’externalisation du contrôle des frontières par l’Union européenne (UE) qui exerce une forte pression sur ces pays tiers, en échange de contreparties, afin qu’ils gèrent la migration en son nom, observent les deux chercheurs. (...)
Pourtant, sur le long terme, les "retours volontaires" sont sans effet, expliquent les deux spécialistes. Beaucoup de migrants tentent à nouveau le voyage car ils n’ont pas tous un endroit sûr ou vivre et ont fui des conflits, des persécutions ou des difficultés économiques, pointent-ils.
"Le désespoir est si fort qu’il vont réessayer", rappelle Jean-Pierre Cassarino. (...)