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« Il m’a demandé de me mettre nue », raconte Iris, maltraitée et humiliée par un médecin lors d’une garde à vue
#gardeavue #maltraitance #femmes
Article mis en ligne le 28 septembre 2024
dernière modification le 27 septembre 2024

« J’étais prête à prendre des risques juridiques. Mais pas à mettre en danger ma santé physique et mentale ». Du haut de son petit mètre soixante, Iris, menue et élancée, semble encore profondément marquée par ce qui lui est arrivé. Membre du mouvement écologiste Extinction Rebellion, cette jeune parisienne d’une trentaine d’années est pourtant une militante chevronnée.

Habituée à prendre part à des actions non-violentes, elle avait toujours échappé à la garde à vue (GAV), jusqu’au 24 mai dernier. Un séjour de plusieurs heures dans un commissariat parisien où elle dit avoir été victime du comportement très déplacé d’un médecin que personne n’est parvenu à identifier depuis. (...)

Ce jour-là, l’action conjointe de plusieurs ONG et collectifs devant le bâtiment d’Amundi pour dénoncer les activités jugées climaticides de TotalEnergies, avait conduit à l’arrestation de plus de 200 militantes et militants écologistes, pour la plupart placés en garde à vue. Dont Iris. « J’ai été arrêtée vers 11h30, puis emmenée dans un bus. L’arrestation s’était plutôt bien passée, sans violence », raconte-t-elle.

« J’ai dit que je refusais de voir un médecin, mais on m’a répondu que je n’avais pas le choix. »

En arrivant au commissariat du 13e arrondissement de Paris pour y être entendue puis placée en garde à vue, elle découvre que sur la fiche de renseignements qui lui a été assignée, est écrit le terme « rébellion ». « L’officier de police judiciaire (OPJ) m’a expliqué que ça voulait dire que je m’étais débattue et que je pouvais potentiellement être blessée ».

Mais les fiches qui ont été établies au moment des arrestations des manifestants ont toutes été mélangées. Et celle qui est transmise à son arrivée ne semble pas correspondre à celle qui a été dressée quelques heures plus tôt. « J’ai tenté d’expliquer que ma fiche avait été faite par une femme. Que celle qu’ils avaient portait le nom d’un homme, et que donc ça ne pouvait pas être la mienne. D’autant que je ne m’étais absolument pas débattue ».
Forcée à voir un médecin

Malgré son insistance, rien n’y fait. L’officier de police lui explique qu’elle va devoir voir un médecin en raison d’une suspicion de contusions. « J’ai dit que je refusais de voir un médecin, mais on m’a répondu que je n’avais pas le choix ». Une pratique illégale, selon l’avocat d’Iris, Alexis Baudelin, habitué à ce genre d’affaires. (...)

« On m’a d’abord permis de contacter mon avocat, puis juste après, on m’a emmenée voir le médecin », raconte-t-elle. Lorsqu’elle arrive dans la salle réquisitionnée pour les consultations médicales, elle découvre que la porte de la pièce est vitrée : « juste derrière, il y avait la salle de contrôle avec quatre policiers en train de regarder les écrans des caméras de surveillance. Ils pouvaient clairement me voir ». (...)

« Il m’a demandé de me mettre nue. Je me souviens qu’à ce moment-là, je suis sidérée et je coupe totalement. Je n’étais plus vraiment présente, dans ma tête. »

Face à cette figure d’autorité, Iris cède et enlève le haut puis le bas, mais décide de garder sa culotte, malgré la demande du médecin, insistante selon ses dires. « Je me cachais, j’étais toute courbée, toute repliée sur moi-même, raconte-t-elle avec difficulté. J’avais peur et j’avais froid ».

A l’évocation du récit de la militante, une source policière contactée par 20 Minutes se montre choquée des libertés prises par le médecin : « il est là uniquement dans l’intérêt du gardé à vue. Et à aucun moment, il n’a à lui demander de se mettre nu. Ça ressemble aux fouilles intégrales que l’on fait passer aux “mules” dans des affaires de trafic de drogue. Or, dans ce contexte-là, ça n’a absolument pas lieu d’être ». Et de préciser : « tous les examens médicaux doivent avoir lieu dans une pièce fermée sans vitre pour respecter l’intimité du gardé à vue » (...)

« Je n’ai pas compris ce qu’il se passait. Je n’avais plus d’énergie, je me sentais totalement vidée. J’ai été invitée à sortir, sans être notifiée de la fin de ma garde à vue », détaille-t-elle.
« Un paquet de tune » grâce aux militants écolo

Soulagée de pouvoir enfin respirer l’air frais du dehors après plusieurs heures enfermées dans la cellule du commissariat, Iris reste quelques minutes devant le bâtiment, le temps que des proches viennent la chercher. A peine le temps de quelques embrassades, et c’est alors qu’elle entend derrière elle une voix qu’elle ne connaît désormais que trop bien. « Quelques minutes après moi, le médecin est sorti lui aussi, et il s’est dirigé vers nous, se souvient-elle. Il était tout souriant. Il nous a dit qu’il fallait qu’on fasse ça plus souvent le vendredi, parce que grâce à nous, il s’était fait un paquet de tunes ». 57,60 euros l’acte, contre ontre 26,50 euros pour une consultation de médecine générale. Une différence non négligeable, surtout quand on en fait dix dans l’après-midi… (...)

Le médecin parti, Iris commence à questionner timidement les autres jeunes femmes qui se trouvaient avec elle dans la cellule. « Je leur ai demandé si à elles aussi, le médecin leur avait ordonné de se déshabiller intégralement. Elles m’ont répondu que non et semblaient surprises par ma question ».

La jeune femme explique que c’est seulement à ce moment-là qu’elle réalise la gravité de ce qu’elle vient de subir. (...)

Le fonctionnement opaque des unités mobile

Contactés par 20 Minutes, la préfecture de police de Paris ainsi que le parquet de Paris ont affirmé qu’il ne leur était pas possible de retrouver l’identité du médecin. (...)

Iris a, de son côté, via son avocat, fait une demande de copie de son dossier auprès du procureur de la République pour tenter d’obtenir le nom du médecin qui l’a reçue. Même si une source policière précise à 20 Minutes qu’il n’est « pas sûr qu’il ait été noté » sur le procès-verbal établi ce jour-là. La militante a également fait une saisine en ligne auprès de l’IGPN.