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Mediapart
Haine et diffamation : le climat reste nauséabond pour les personnes trans et racisées en politique
#racisme #diffamation #harcelement
Article mis en ligne le 23 janvier 2025
dernière modification le 21 janvier 2025

En quelques jours, une maire transgenre a démissionné dans le Nord, épuisée par la haine ambiante, et un candidat aux municipales racisé a porté plainte à Montpellier après avoir reçu un flot d’injures islamophobes et racistes.

(...) « Ce n’est pas la première fois de ma vie que je subis des injures racistes, j’ai intériorisé ce genre de choses... mais là, il y avait une telle intensité, souffle Rhany Slimane, qui a invité la presse devant le commissariat de Montpellier. Mon téléphone n’arrêtait pas de vibrer. Beaucoup, beaucoup de commentaires racistes. J’ai arrêté de les compter, ça m’a sidéré. »

« Entrisme islamique », « la charia à Montpellier », « le grand remplacement » « J’espère que tu vas perdre […] et que l’avion sera rapide pour te ramener chez toi » figurent parmi les posts que le militant LFI a consignés sur son téléphone. Il décrit aussi une illustration « avec des gens habillés de vêtements saoudiens et une chèvre », accompagnée de la mention « Back to bled ». (...)

« Il ne faut pas croire qu’on peut se cacher derrière des pseudos sur les réseaux sociaux. La justice peut faire ce qu’il faut pour remonter jusqu’à eux », indique l’avocate, qui est par ailleurs élue d’opposition Mupes (Montpellier union populaire écologique et sociale) à la mairie de Montpellier. (...)

. « Je porte plainte pour moi et pour ne plus rien laisser passer, explique Rhany Slimane. Je le fais aussi pour tous ceux qui subissent en silence quand moi j’ai la chance d’avoir la presse pour dénoncer. »
Une maire dénigrée par les siens

À des centaines de kilomètres là, dans le Nord, Marie Cau tient un discours différent. « Porter plainte, ça ne sert à rien », soupire celle qui l’a déjà fait à plusieurs reprises pour diffamation et insultes. Plaintes chaque fois classées sans suite, selon elle. « La justice ne veut pas donner suite. Je pense qu’il y a une stratégie, voire une politique délibérée de ne pas le faire. Ils ont peur d’être débordés par ça, ou alors ils ne maîtrisent pas le sujet. »

Selon l’ancienne élue, c’est même contreproductif : « Ça ne fait qu’aggraver les choses. Vous portez plainte en diffamation, outrage, menace verbale et, comme il ne se passe rien, ça renforce le sentiment d’impunité et derrière, c’est open bar ! Ils prennent la confiance et c’est deux fois pire… » (...)

Récemment, de guerre lasse, Marie Cau a retiré l’une de ses plaintes pour diffamation et a été sanctionnée. « J’ai abandonné la procédure qui me semblait sans lendemain et je me retrouve condamnée à payer des frais à mes harceleurs. Ç’a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. »

À bientôt 60 ans, elle a donc démissionné, « fatiguée » par « la haine, la diffamation » qui s’expriment surtout en ligne. Elle énumère : « Des rumeurs sur moi, des moqueries en permanence, des photos de moi avec des caricatures, des photos de ma maison et de ma voiture qui circulent sur les réseaux sociaux… Il n’y a plus de modération, il n’y a plus rien... » (...)

Marie Cau dit aussi avoir subi « du dénigrement » de son action au sein de son village de 540 habitant·es et des mensonges : « Des bruits couraient, disant que j’avais demandé une hausse d’impôt ou parlant de dépenses qui n’existent pas. » Et poursuit : « C’est un véritable harcèlement que j’ai subi. Tout est monté en épingle, tout est sans arrêt sorti de son contexte. Je sais que c’est lié à ma personne, ces attaques viennent de gens qui détestent ce que je suis en tant que femme, en tant que trans. » (...)

Marie Cau entend enfin, par sa démission, dénoncer la nomination au gouvernement de « personnalités ouvertement transphobes ». Si elle abandonne, c’est pour se consacrer à sa vie, à ses projets, et se préserver. « C’est trop insécurisant ce climat constant de haine et d’hostilité », conclut-elle.

De l’insécurité, Rhany Slimane en ressent également maintenant qu’il tente d’être « un peu plus acteur politique, au premier plan, et plus un simple militant ». Quelques jours avant son dépôt de plainte, Louis Boyard, candidat insoumis pour la municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) a quant à lui saisi l’Arcom, l’autorité de régulation audiovisuelle, contre CNews, chaîne du groupe Bolloré, qui a présenté le décompte des « personnes qui portent un nom ou un prénom d’origine étrangère, africaine et arabo-musulmane » sur la liste du candidat et voyant là « une surreprésentation des minorités ». (...)