
(...) Au nom de la décarbonation et de la neutralité carbone d’ici 2050, le gouvernement japonais envisage d’exploiter les ressources géothermiques situées dans des zones protégées ou proches des onsen, joyaux culturels et touristiques. Ces projets, bien qu’ambitieux, s’inscrivent dans une logique où l’urgence climatique devient un levier pour imposer des réformes économiques ultra-libérales. Sous couvert de revitalisation rurale, ces initiatives risquent de sacrifier des patrimoines naturels et culturels sur l’autel de la rentabilité.
Les résistances locales, notamment celles des propriétaires d’onsen, sont présentées comme des obstacles à surmonter plutôt que comme des voix légitimes. Cette approche reflète une stratégie typique du capitalisme du désastre : « déplacer les montagnes sacrées » pour ouvrir la voie à une exploitation industrielle, sans réelle considération pour les conséquences sociales ou environnementales. Loin d’être un simple débat énergétique, cette situation illustre une tentative de colonisation économique où le profit prime sur le bien commun.
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– (Sciences et Avenir)
Géothermie au Japon : un potentiel élevé mais délicat à exploiter
Avec sa centaine de volcans actifs, le Japon dispose des troisièmes plus importantes ressources géothermiques au monde. Mais leur exploitation énergétique est très faible, du fait d’opposants de taille : les propriétaires des "onsen", les bains d’eau chaude omniprésents dans l’archipel.
Nichée au creux de montagnes verdoyantes le long d’une rivière sinueuse près de la ville de Fukushima (nord-est), la modeste station thermale de Tsuchiyu-Onsen est un cas plutôt exceptionnel au Japon. (...)
Grâce notamment à des fonds publics pour sa reconstruction, Tsuchiyu-onsen a pu se doter en 2015 d’une petite centrale géothermique, construite en amont du village, au-dessus d’un puits d’eau chaude préexistant et idéalement accessible.
Des conditions "miraculeuses", estime M. Kato. Autre prodige selon lui, la centrale "n’a pas changé la qualité ni la quantité de l’eau" pour les onsen, les principales craintes des hôteliers vis-à-vis de la géothermie au Japon.
Avant la pandémie, la centrale géothermique du village attirait environ 2.500 visiteurs par an, dont des professionnels des onsen de tout l’archipel intrigués par ce succès. Mais "très peu ont réussi" à l’imiter, tant l’alignement des planètes était exceptionnel à Tsuchiyu-onsen, relève M. Kato.
– Nombreuses embûches - (...)
Le principal frein vient des onsen, un secteur "tellement puissant au Japon", explique Kasumi Yasukawa, une responsable de la division géothermie de l’agence publique japonaise Jogmec, spécialisée dans la sécurité énergétique du pays.
Ces piliers du tourisme au Japon "refusent parfois même de discuter" de la possibilité d’un projet géothermique dans leur voisinage, se désole Mme Yasukawa.
Ces projets impliquent aussi des coûts initiaux importants, beaucoup d’incertitudes au départ et de longues procédures administratives.
Certaines restrictions ont toutefois été levées ces dernières années par le gouvernement, qui permet désormais d’explorer le potentiel géothermique dans les parcs nationaux, où résident 80% de ces ressources.
– Craintes d’interférences - (...)
"Pour être honnête, nous souhaiterions si possible que la dynamique pour développer l’énergie géothermique soit stoppée" au Japon, déclare à l’AFP Yoshiyasu Sato, vice-président de l’association japonaise des onsen.
Il refuse de la considérer comme une "énergie renouvelable", invoquant des exemples de centrales géothermiques du pays dont la capacité de production a diminué au fil du temps.
Par ailleurs, les sources d’eau chaude alimentant les onsen sont fragiles, leur débit et leurs températures pouvant ainsi baisser en cas de surexploitation, souligne-t-il. (...)
Grâce à la vente de l’électricité générée par sa centrale géothermique, Tsuchiyu-onsen offre un accès gratuit au bus local pour les enfants et les seniors, soutient ses artisans et rénove des bâtiments désaffectés.
Et les surplus d’eau chaude de la centrale ont permis de créer une nouvelle attraction touristique : un petit élevage de crevettes d’eau douce, que l’on peut pêcher avant de les déguster grillées.
Mais ces arguments ne pèsent pas lourd auprès des onsen. Si les promoteurs de la géothermie "avaient de nouvelles méthodes scientifiques de forage qui lèveraient nos inquiétudes, ce serait très bien. Mais ils ne les ont pas", tacle M. Sato.