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Orient XXI
Gaza. Pour en finir avec la « guerre contre le terrorisme »
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza
Article mis en ligne le 22 mai 2025
dernière modification le 21 mai 2025

Alors qu’Israël intensifie son offensive génocidaire à Gaza, la thèse de la légitime défense paraît désormais totalement éculée. En revanche, l’argument de la « guerre contre le terrorisme » pèse toujours en s’appuyant sur la désignation du Hamas comme groupe terroriste par les États-Unis et l’Union européenne. Qu’en est-il au regard du droit international ?

Le Hamas, tout comme le Hezbollah, figure sur les listes terroristes des États-Unis et de l’Union européenne, mais pas sur celles des Nations unies. La caractérisation de ces mouvements comme terroristes n’est pas universelle, ce qui est peu connu. Les sanctions financières qui leur sont infligées ne relèvent pas du conseil de sécurité des Nations unies, mais d’États, agissant individuellement ou régionalement, sans validation internationale. Or ces sanctions sont venues toucher à Gaza le peuple palestinien ayant, au regard des normes issues des Nations unies, le droit de disposer de lui-même. C’est pourquoi le rapporteur spécial John Dugard soulignait dès 2007 le caractère inédit de la situation (...)

Les recours aux juges nationaux et européens

Au mois d’avril 2025, les responsables politiques du Hamas annonçaient agir en justice devant les juridictions britanniques afin de contester l’inscription de leur mouvement sur la liste des organisations terroristes de cet État. Ce n’est pas la première fois que le mouvement recourt aux juges occidentaux. Un contentieux s’est ainsi noué devant les juridictions de l’Union européenne, qui ont d’abord, en 2014 puis en 2019, annulé la décision européenne — qui se basait sur des sources américaines et britanniques — inscrivant le Hamas sur la liste des organisations terroristes. Cette inscription a finalement été confirmée en 2021, mais cette séquence judiciaire a révélé de nombreuses ambiguïtés.

Elle s’inscrit dans un contentieux plus ample, où des groupes en lutte contre des autorités étatiques affirment, devant le juge de l’Union européenne, leur statut de mouvement de libération nationale. Ces groupes soulignent parfois les contradictions entre, d’une part, le droit occidental relatif au terrorisme, qui permet de les sanctionner financièrement et d’autre part, le droit international des peuples à disposer d’eux-mêmes et ses prolongements dans le droit international de la guerre. Ces contradictions prospèrent alors que la Cour de Justice de l’Union européenne elle-même a considéré, dans des affaires relatives au Sahara Occidental que « le principe d’autodétermination » est « un des principes essentiels du droit international » (arrêt du 21 décembre 2016)

Israël et l’Occident contre le Hamas

L’histoire est bien connue. La victoire électorale du Hamas aux élections organisées dans le territoire palestinien occupé en 2006 et l’exercice par ce mouvement d’un pouvoir gouvernemental a permis à Israël de déclarer la bande de Gaza « entité hostile » en 2007. Elle a conduit les États occidentaux à soutenir un blocus que les Nations unies ont parfois décrit comme une « punition collective » prohibée par le droit international, voire comme un crime contre l’humanité

Depuis le 7 octobre 2023, la diabolisation s’est accentuée dans les discours israéliens.
Celle-ci a permis de convoquer le mythe d’une guerre de civilisation contre la barbarie et de justifier les opérations génocidaires à Gaza. (...)

Par-delà les combattants, la diabolisation par la désignation terroriste s’étend aussi à l’ensemble du pouvoir civil de Gaza. C’est ainsi qu’Israël trouve parfaitement légitime de décrire, par exemple, les acteurs du système hospitalier comme terroristes, et qu’il cible des agents civils ne relevant pas de l’organisation militaire du Hamas. Et, finalement, c’est l’ensemble de la population de Gaza qui relève du terrorisme, car, toujours selon Guilad Erdan, ce sont bien les civils « qui ont élu les meurtriers du Hamas, qui ressemble tant à Daech
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 ». De proche en proche, Israël inscrit les familles palestiniennes dans des lignées criminelles. (...)

Cette diabolisation continue d’être relayée dans le monde occidental. De nombreux acteurs européens exigent, pour l’avenir, que le Hamas renonce au pouvoir à Gaza (ce qu’il affirme accepter), mais également qu’il rende les armes. Ceci s’avère problématique, en l’absence de protection internationale de la population de Gaza contre les bombardements et le siège israéliens. (...)

Car les Nations unies, par leurs représentants officiels, ne se sont pas exprimées sur les tortures inédites infligées aux Palestiniens enlevés à Gaza et libérés dans cette même période ; pas plus que sur l’interdiction d’expressions de joie imposée par Israël aux détenus libérés et à leurs proches en Cisjordanie. Or, ces violations du droit international sont beaucoup plus marquantes. Elles émanent, d’une part, d’un État bien structuré dont les prisons ne devraient pas devenir des lieux de torture, incluant des sévices sexuels. Elles révèlent, d’autre part, une volonté délibérée d’humilier et de détruire. La seule condamnation du comportement des groupes armés palestiniens dans ce processus d’échange de prisonniers prévu par l’accord de cessez-le-feu procède donc d’une stigmatisation univoque. (...)

En conséquence, exiger une « libération inconditionnelle » c’est s’associer au discours israélien accompagnant sa violation et renoncer à considérer le Hamas comme un acteur politique. C’est encore l’un des effets de la caractérisation d’une entité comme terroriste : le groupe terroriste n’est pas un interlocuteur admis, il est, sauf exception utile, disqualifié et finalement toujours relégué dans le champ de la criminalité (...)

il est difficile de ne pas voir dans les groupes armés palestiniens des « mouvements de résistance organisés », assimilables à une armée étatique, et dans le conflit entre Israël et le Hamas, un conflit international
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. Le choix de qualifier ce conflit comme interne renvoie à la manière dont les puissances coloniales présentaient les conflits de décolonisation, avant que le travail de l’Assemblée générale des Nations unies ne permette de rejeter l’idée que ces conflits relevaient des « affaires intérieures » de l’État colonial. (...)

Dans cette période des années 1960-1970, les règles posées par l’Assemblée générale des Nations Unies s’agissant du droit des peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes affirment clairement le droit de résister à l’oppression, y compris par la lutte armée
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. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré l’adoption du premier protocole additionnel aux Conventions de Genève. S’agissant du peuple palestinien, ce droit a été régulièrement soutenu.

Le renoncement de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à la lutte armée dans le contexte des accords d’Oslo a conduit les Nations unies à atténuer leurs positions, pour soutenir la solution à deux États et des négociations dont on pensait qu’elles permettraient d’y accéder. Mais depuis, la situation juridique a profondément évolué. (...)

La caractérisation des groupes armés palestiniens comme terroristes dans le monde occidental devrait donc être urgemment repensée au titre du droit des peuples, et au titre de la protection face à une offensive génocidaire. Dans la période historique de la décolonisation, en l’absence de solution politique, la lutte armée des peuples dominés était considérée comme un droit, un droit auquel les États tiers ne pouvaient faire obstacle. Face au déni israélien de toute solution politique d’émancipation, ce droit est toujours à l’œuvre. Il l’est encore davantage lorsque l’oppression prend une forme génocidaire sans que le peuple ciblé ne soit internationalement protégé. (...)

comme le souligne la CIJ, « l’existence du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ne saurait être soumise à conditions par la puissance occupante, étant donné qu’il s’agit d’un droit inaliénable »