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Fouilles, lacrymos et incendie : une manifestation mouvementée contre les mégabassines
#megabassines #eau #lessoulevementsdelaterre #LaRochelle #agroindustrie
Article mis en ligne le 21 juillet 2024

Des fouilles et contrôles à répétition aux champs de paille incendiés par les grenades, l’État a essayé d’empêcher les antibassines de manifester. Des milliers d’opposants ont quand même réussi à se réunir dans la Vienne.

Il faut faire preuve de patience pour manifester contre les mégabassines. Supporter les incessants contrôles policiers, les fouilles au corps, les confiscations d’objets personnels aussi innocents que des bouchons d’oreilles, des piquets de tente ou des masques chirurgicaux. Subir les menaces proférées par les autorités, comme le futur ex-ministre Gérald Darmanin qui a dit redouter « des actes d’une très grande violence » lors des mobilisations.

Il faut également surmonter sa peur de l’arsenal déployé : 3 000 gendarmes et policiers, vingt-et-une unités de forces mobiles, cinq hélicoptères et une dizaine de drones. Le douloureux souvenir de Sainte-Soline, où de nombreux manifestants avaient été gravement blessés en mars 2023, reste dans toutes les mémoires.

Malgré tout, plusieurs milliers de personnes se sont réunies à Melle (Deux-Sèvres) pour réaffirmer leur opposition aux projets de mégabassines et surtout, appuyer la demande de moratoire promise par le Nouveau Front populaire. (...)

« Ils m’ont pris mes bouchons d’oreille car ils nous ont dit que c’était du matériel de protection. Et que cela les empêchait de bien travailler car nous, on n’entendrait plus le bruit des grenades de désencerclement », raconte Alexa ], une jeune militante à Vivonne.

« Mauvaise réputation » et « sentiment d’étouffement » (...)

Dolorès ] déplie sa carte IGN sur le capot de sa voiture. Elle vient de Charente avec plusieurs amis et se mobilise depuis des années contre les bassines. Elle est membre des Amis de la Confédération paysanne. Le syndicat paysan est présent sur le Village de l’eau, mais n’a pas appelé à participer à la manifestation. Un retrait qui laisse un goût amer à Dolorès. « Je suis dégoûtée. Ils appellent à un moratoire et après ils ne viennent pas aux manifestations. C’est comme les partis politiques, ils ne sont pas là. Du coup, les flics se lâchent », peste cette fille et petite-fille de paysan. (...)

« L’objectif, c’est de montrer qu’il y a du monde et que malgré la répression, ils n’arrivent pas à nous arrêter. On est en slip dans la rivière alors que les flics vont arriver en armure face à nous. J’espère que cela restera tranquille pour bien montrer que le but de ces mobilisations, c’est de montrer notre désaccord dans la joie. Car la guerre de l’eau est devenue une guerre des images » (...)

« Nous sommes entre 6 000 et 7 000 personnes à avoir fait preuve de détermination et de patience pour arriver jusqu’ici, scande au mégaphone l’une des organisatrices. Nous ne sommes pas contre les agriculteurs, mais contre les accapareurs de l’eau. Et nous voulons maintenant tenter un geste symbolique envers eux. » À quelques kilomètres de là se trouve le siège social de Cérience, un semencier français membre du groupe agro-industriel Terrena. Un site vers lequel se dirige le cortège, au bruit des hélicoptères qui survolent les têtes. (...)

Les grenades ont immédiatement embrasé des lignes de paille en train de sécher. Bernard, 82 ans, est l’exploitant des champs incendiés. Il est immédiatement venu sur place pour constater que ses deux parcelles de 10 et 14 hectares sont parties en fumée. « C’est désespérant. Ça a été moissonné hier soir. Toute la paille est perdue, non seulement celle qui a brûlé, mais aussi le reste parce que les animaux ne mangeront pas la paille qui a l’odeur de fumée », se lamente-t-il.

« Ça représente une perte d’environ six tonnes de paille l’hectare multiplié par 24 hectares. Avec une chaleur comme ça, c’est pas raisonnable d’envoyer quelque chose qui génère des étincelles. C’est une faute. C’est incompréhensible », se désole-t-il, en observant le ballet des camions de pompiers qui éteignent les flammes. (...)

Avec les feux, beaucoup de manifestants rebroussent chemin et suivent la consigne des organisateurs : revenir à Melle afin de « se préserver pour la Rochelle ». Une autre mobilisation a lieu ce samedi 20 juillet dans le port maritime de la ville, second site exportateur de céréales en France. Il est considéré par les militants comme « le dernier maillon de la chaîne du système-bassines », comme l’a montré une enquête de Reporterre.