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Fissurer les murs du capitalisme urbain
#capitalisme #inegalites #promoteurs #villes #habitat
Article mis en ligne le 21 janvier 2024
dernière modification le 19 janvier 2024

De squats en jardins populaires, de Barcelone à Dijon, le collectif Asphalte est parti à la rencontre des luttes urbaines et en a tiré un livre, Tenir la ville – Luttes et résistances contre le capitalisme urbain (éd. Les Étaques). Rencontre avec deux des coordinateurs du volume, Matthieu et Américo.

Les attaques à l’encontre du droit au logement se multiplient ces derniers temps en France. Pourtant, votre constat, c’est qu’elles ne mobilisent pas. Matthieu : « Au moment des lois Kasbarian-Bergé1, on était 200 à manifester à Lyon, et j’en connaissais la moitié. Alors que c’était en plein mouvement contre la réforme des retraites ! Pourtant, la question du logement et de l’espace est fondamentale, entre le pognon que ça nous coûte de nous loger et de nous déplacer, les possibilités de s’organiser qui en dépendent et les rythmes que ça nous impose. C’est pour ça qu’on appelle à politiser la production de l’espace. Et puis, l’utopie, elle se construit aussi par l’espace. On doit y réfléchir pour imaginer le monde vers lequel on veut tendre. »

Tout le monde est aux prises avec des galères de loyer, d’insalubrité, de propriétaire, voire de quartier. Vous appelez à sortir de cet isolement ?

Américo : « Les habitants s’organisent déjà pour rendre leurs espaces de vie habitables, il y a des luttes et un rapport de forces. Mais il faut avoir une réflexion générale à l’échelle du quartier, de la ville. Défendre son logement, mais aussi celui des autres. Quand on s’occupe de l’aménagement d’une place mais pas du prix des logements autour, on se tire une balle dans le pied, et inversement. Il faut penser des alliances entre des populations qui ont des intérêts différents, voire divergents, par exemple entre propriétaires occupants et locataires. À l’inverse il s’agit aussi de casser des alliances, par exemple au sein de la classe d’encadrement entre urbaniste, architectes et pouvoir public et capital. »

Dans Tenir la ville, vous évitez le terme « gentrification ».

Matthieu : « Les militants appellent “gentrification” le remplacement d’une population pauvre par une population plus riche. Or, en utilisant ce terme, ils importent le “gentrifieur” et la responsabilité individuelle, et ratent la cible. »

Américo : « Exactement comme pour Marseille capitale européenne de la culture en 2013. On en a voulu aux artistes, mais ils sont venus bosser là où on leur proposait du boulot. La cible, c’est les promoteurs, les aménageurs, Gaudin, etc. (...)

« Se battre pour contrôler le loyer et le droit au logement, c’est aussi une manière de contrer la rente foncière » (...)

Matthieu : « Les grands projets urbains, ils se construisent et s’étalent sur des décennies, parfois 40 ou 50 ans. Face à ça, le droit est un outil important. Et puis des organisations vont se mettre en place, il n’y a pas le choix : des syndicats de quartier, des associations. Mais négocier avec les pouvoirs publics peut mener à une forme d’institutionnalisation. Le risque, c’est de se faire bouffer. La critique se fait ingérer, et ça finit par donner la démocratie participative. C’est une arnaque. Choisir le nom du boulodrome quand on n’a pas choisi que c’était un boulodrome qu’on construirait ici, on s’en tape un peu. L’autre perspective, c’est quand la lutte surgit, quand elle devient explosive. Être capable de foutre le zbeul, c’est tout aussi important que le droit et l’organisation. Ni l’un ni l’autre ne sont une solution en soi. »

Lire aussi :

 (Paris Luttes info)
Présentation de Tenir la ville. Luttes et résistances contre le capitalisme urbain

Un livre pour donner du souffle aux combats qui agitent nos villes sur le logement, l’écologie, l’organisation du pouvoir, la justice sociale, la mobilité. Ils ont en commun d’émaner de mobilisations qui mettent l’espace au cœur de la lutte pour l’émancipation, l’autonomie et les conditions de vie. Ce point commun et cette diversité ne doivent pas masquer le fait que la question spatiale, et en particulier la question urbaine, manque aujourd’hui d’une perspective politique radicale. En réunissant une série de contributions, nous tentons de défricher un chemin, tracer une feuille de route. Nous voudrions que les rencontres autour du livre participent de cet effort. Quelques lignes de l’introduction pour préciser notre propos.

[Ce texte est un condensé de l’introduction du livre] (...)