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l’Humanité
Fatma Bouvet de la Maisonneuve, la psychiatrie comme sport de combat
#immigration #racisme #xenophobie #democratie
Article mis en ligne le 6 février 2024
dernière modification le 2 février 2024

Pour l’écrivaine et psychiatre franco-tunisienne, au cœur de toutes les luttes contre le racisme et la xénophobie, la loi immigration est l’occasion historique de se rassembler et de se remettre à penser ensemble une alternative face aux fractures croissantes de la société.

La psychiatre et écrivaine franco-tunisienne s’est imposée, au fil des années, comme une figure intellectuelle au cœur de tous les combats contre le racisme. Dans son cabinet, fenêtre sur les plaies d’une société en proie aux fractures, où elle reçoit en consultation « aussi bien des Lucas que des Mohammed », son regard s’est doté, en près de trente années d’exercice, d’une acuité à nulle autre pareille. (...)

« Je pense que c’est un moment à la fois douloureux et extraordinaire qu’on vit là ! » lance-t-elle d’emblée, galvanisée par la perspective de ce nouveau combat. À ses yeux, cette loi est l’occasion historique « de se rassembler, se remettre à réfléchir et à inventer ensemble » car « aujourd’hui la pensée est dévalorisée. On ne pense pas assez alors que penser, ça sauve des vies ».

Le moment pour ainsi dire de tout mettre enfin à plat, mettre fin au fatalisme ambiant qui conduit à s’accommoder d’un monde où les uns « circulent librement sans visa », tandis que les autres sombrent aux frontières de pays devenus forteresses : « On aura beau construire des murs, l’histoire de l’humanité le démontre, il y aura toujours des moyens de les contourner. Les dirigeants oublient que nous sommes tous des immigrés. »

« Une défaite pour notre identité humaine » (...)

Deux semaines plus tôt, elle intervenait au cinéma parisien Le Grand Rex, dans un débat sur le racisme anti-Noirs en Tunisie, qui a suivi l’avant-première du documentaire Tête levée, de son compatriote Hosni Maati. Là encore, le diagnostic est sans détour : « Nous avons, dans notre imaginaire collectif maghrébin, un racisme vis-à-vis des Noirs qui est tabou, qui n’est pas du tout discuté. »

L’été dernier, alors que les images d’exilés subsahariens abandonnés dans le désert à la frontière libyenne par les autorités tunisiennes défilaient sur nos écrans, elle avait déjà fait entendre sa colère dans une tribune et sur les réseaux sociaux, dénonçant « une honte. Une défaite pour notre identité humaine ». L’identité, une clef pour comprendre le parcours de Fatma Bouvet de La Maisonneuve.

Difficile d’échapper à la question quand la juxtaposition de ce prénom arabe et de ce nom à particule – celui de son mari et père de ses deux enfants – résonne à certaines oreilles comme un oxymore. De cette multiplicité d’ancrages et d’identités irréductibles, la psychiatre, fille de militants communistes et francophiles, a choisi de faire le terrain d’une lutte. Les revendiquant toutes, dans un rejet des injonctions à l’assimilation. « L’assimilation, c’est-à-dire se dépouiller de tout un passé à la fois familial, collectif, historique et individuel, ça n’est pas possible ! » assène-t-elle. (...)

C’est le parti pris de son dernier roman L’Odeur d’un homme, une immersion dans la société tunisienne née des convulsions de la révolution du jasmin. (...)

L’Odeur d’un homme, de Fatma Bouvet de La Maisonneuve, éditions Au Pont 9 (208 pages, 19,90 euros ; numérique 9,99 euros).