Après un an de bugs, face à des milliers d’assurés en arrêt privés d’indemnités, l’Assurance-maladie suspend le déploiement du logiciel Arpège, testé en Loire-Atlantique et en Vendée. Mais sans offrir d’outil alternatif aux départements cobayes.
Depuis un an, les agents et les assurés des caisses primaires d’assurance-maladie de Loire-Atlantique et de Vendée se battent contre une machine. Ils se démènent contre un nouveau logiciel mis en place à l’automne 2024 pour calculer les indemnités des assurés en arrêt de travail pour maladie, accident du travail ou encore maternité. Le logiciel s’appelle Arpège. Testé dans les deux départements, il devait ensuite être déployé sur l’ensemble du pays. Mais la direction nationale de l’Assurance-maladie, la Cnam, a finalement fait machine arrière le mois dernier. Car rien ne s’est passé comme prévu.
« On utilisait avant un autre logiciel qui s’appelle Progrès. Mais on nous a dit qu’il risquait d’être en difficulté dans les prochaines années, du fait de l’augmentation du nombre d’arrêts maladie. L’idée d’Arpège, c’était d’automatiser la gestion des dossiers pour, en fin de compte, diminuer le nombre de personnes qui travaillent au service des indemnités journalières », explique Laura*, agente d’accueil à la CPAM de Loire-Atlantique.
Dès la mise en place d’Arpège dans les départements tests, en octobre 2024, plusieurs milliers de dossiers de personnes en arrêt maladie se sont retrouvés bloqués. Les assurés sont restés sans indemnités. Avant que la situation n’empire encore.
« On nous empêche de faire notre travail » (...)
« Même sur les dossiers de maladie classiques, de congés maternité ou paternité, ça ne fonctionne pas. On doit reprendre les dossiers à la main. Alors qu’Arpège, normalement, était censé marcher quasiment tout seul. Finalement, on se retrouve à bidouiller pour débloquer des dossiers, où les assurés attendent des indemnités journalières depuis, pour certains, plusieurs mois. Ce sont des milliers d’euros qu’on leur doit. » (...)
La CGT a alerté dès octobre 2024 sur la situation et mobilisé les collègues pour faire réagir l’Assurance-maladie. De leur côté, des assurés privés d’indemnités se sont constitués en collectif, notamment au sein d’Arpège, non merci. Trois assurés ont même assigné la CPAM de Loire-Atlantique au tribunal cet été. Finalement, mi-octobre, l’Assurance-maladie a décidé de suspendre le déploiement du logiciel infernal au reste du pays. Les autres départements sont donc épargnés.
15 000 réclamations en attente
Mais aucune solution n’est proposée pour l’instant ni en Vendée ni en Loire-Atlantique, dénonce Pascal Cayeux. « Alors que la situation n’a jamais été aussi dramatique, que ce soit pour les assurés ou les agents, notamment sur l’accueil physique, l’accueil téléphonique ou au service des indemnités journalières dans lequel je travaille, témoigne le représentant CGT. Nous souhaitons qu’ils nous donnent un outil qui fonctionne. C’est ce qu’on demande depuis un an. » (...)
« Quand on vient à l’accueil de la CPAM, en général, c’est pour un problème. Avant, on pouvait faire quelque chose pour les régler. On savait que, si on traitait le dossier, si on vérifiait les pièces, en une à deux semaines, ce serait résolu. La personne n’allait pas avoir besoin de revenir. Aujourd’hui, il y a tellement de dossiers bloqués qui se sont accumulés… Il y a des gens, je les ai vus plusieurs fois. Tout est bon, on a vérifié toutes les pièces au niveau administratif, mais il n’y a pas l’humain derrière pour dénouer la situation. Nous sommes très inquiets pour la suite. » (...)
« On a tout à fait conscience qu’un logiciel peut ne pas fonctionner, qu’il y ait des mises à jour, des corrections à opérer, dit l’agente d’accueil Laura. Mais pourquoi ne pas avoir prévu de plan B ? interroge-t-elle. Surtout quand on sait qu’on va toucher aux moyens de subsistance des gens... »