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"Être privé de liberté, c’est insupportable" : en Pologne, les centres de détention "menacent considérablement" la santé mentale des migrants
#migrants #immigration #santementale #Pologne #detention
Article mis en ligne le 9 mai 2024
dernière modification le 7 mai 2024

Après une dangereuse traversée de la frontière biélorusse, Ali, Abdou et Benjamin ont tous les trois été transférés dans des centres pour migrants dits "fermés", à travers la Pologne. L’enfermement dans ces structures, dont l’aménagement s’apparente à la prison, ont de lourdes conséquences psychologiques sur les exilés. Qui peuvent aboutir, dans certains cas, à des tentatives de suicide.

Après une dangereuse traversée de la frontière biélorusse, Ali, Abdou et Benjamin ont tous les trois été transférés dans des centres pour migrants dits "fermés", à travers la Pologne. L’enfermement dans ces structures, dont l’aménagement s’apparente à la prison, ont de lourdes conséquences psychologiques sur les exilés. Qui peuvent aboutir, dans certains cas, à des tentatives de suicide. (...)

Les exilés arrêtés à la frontière polonaise et non refoulés vers la Biélorussie sont tous emmenés après leur interception dans l’un des 16 centres d’accueil - ouverts ou fermés - pour étrangers dont dispose le pays. Ali, lui, a d’abord été emmené dans un centre fermé, géré par les garde-frontières.

Trois jours plus tard, il a finalement été transféré dans une structure ouverte, administrée par l’Office des étrangers. Selon la procédure officielle, "le pays d’origine de la personne arrêtée, sa vulnérabilité, le fait qu’il soit en possession ou non de ses documents d’identité" détermine le centre dans lequel sera hébergé l’exilé, explique Katarzyna Zdanowicz porte-parole des garde-frontières de Podlasie. Un ressortissant syrien par exemple, dont l’expulsion dans son pays d’origine est interdite, sera donc plutôt hébergé dans un centre ouvert.
"Enfermés jusqu’à 23 heures par jour"

En ce qui concerne les demandeurs d’asile en revanche, les contours d’attribution dans les centres sont plus flous. "Les personnes qui demandent une protection sont censées être accueillies en centres ouverts. Mais dans les faits, ce n’est pas toujours le cas, affirme Michal Zlobecki, en charge des Droits des migrants au sein du Commissariat polonais pour les droits humains. C’est une question à laquelle on est très souvent confronté lors de nos visites dans les centres". (...)

nombreux sont les demandeurs d’asile à être hébergés dans les centres fermés, et ce, durant de longs mois. Parfois même "jusqu’à un an", affirme Joanna Jarnecka, membre de l’ONG Grupa Granica. (...)

"Je ne comprenais pas pourquoi j’étais dans cet endroit, qui ressemblait à une prison, alors que je demandais une protection, raconte-t-il. Je n’avais jamais connu ça, l’enfermement. Être privé de liberté, c’est insupportable. C’était même plus dur que traverser la forêt".

La conception et l’agencement de certains centres sont calqués sur l’architecture carcérale (...)

Dans un rapport publié en février 2024 qui portait sur des visites effectuées en mars 2022, le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) "regrette que, malgré ses précédentes recommandations, la norme minimale officielle de 3 m² de surface habitable par détenu (hors installations sanitaires) ne soit toujours pas respectée". "La grande majorité des détenus passent des jours et des mois dans un état d’oisiveté, sans activité significative, enfermés dans leur cellule jusqu’à 23 heures par jour", déplore aussi le CPT.

D’après Michal Zlobecki, les conditions de détention se sont tout de même améliorées depuis 2021 et le début de la crise humanitaire. "Dans certaines structures, on a vraiment vu des progrès, sur la taille des chambres ou les infrastructures proposées par exemple. Mais cela reste insuffisant, admet-il, et la détention devrait vraiment se faire à titre exceptionnel. Une cage dorée, cela reste une cage quand même".

"Une fois, j’ai voulu en finir"

Cette attente interminable entre quatre murs "menace considérablement la santé mentale des demandeurs d’asile", prévient Maria Ksiazak, psychologue qui intervient dans ces structures. (...)

"La détention détruit psychologiquement les migrants, abonde Joanna Jarnecka. Enfermés toute la journée avec leurs traumatismes, ils ne font que ressasser leurs souvenirs. Leur souffrance ne fait que grandir, allant parfois, jusqu’à l’irréparable". Selon l’humanitaire, les tentatives de suicide sont fréquentes à l’intérieur des centres fermés. (...)