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Être lanceur d’alerte est-il toujours risqué aujourd’hui en France ?
#lanceursdalerte
Article mis en ligne le 20 février 2024
dernière modification le 17 février 2024

Encadrés par un statut juridique favorable, les lanceurs d’alerte sont pourtant confrontés au secret des affaires.

Nombre d’entre eux se défendent d’être des « héros » et pourtant, c’est bien dans l’intérêt général et aux dépens de leur propre confort de vie qu’agissent les lanceurs d’alerte. Certains sont d’ailleurs restés célèbres dans le monde entier, comme le cofondateur de Wikileaks Julian Assange ou l’ancienne employée de Facebook Frances Haugen.

En France, pour ne citer que les plus médiatisés, on retiendra certainement le combat de la pneumologue Irène Frachon pour les victimes du Mediator, celui d’Antoine Deltour à l’origine des Luxleaks, ou encore le travail de la journaliste Inès Léraud sur le lien entre les algues vertes et l’agro-industrie bretonne. Toutes ces personnes ont un point commun : elles ont vu leurs vies bouleversées après leurs révélations et sont donc protégées par la loi. Du moins, en théorie.

Le terme « lanceur d’alerte » est défini juridiquement pour la première fois en France en 2013, dans la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dite « loi Blandin ». (...)

En février 2022, une nouvelle loi est donc adoptée et permet de transposer une directive européenne de 2019, tout en conservant les garanties de la loi Sapin II. Elle renforce de nouveau la protection des lanceurs d’alerte : désormais, ils ne sont plus obligés d’alerter en priorité leur hiérarchie, mais peuvent aussi choisir d’alerter en externe, auprès de la justice ou des autorités compétentes. Le texte prévoit également leur irresponsabilité juridique, allonge la liste des « représailles interdites », propose des provisions pour les frais juridiques et crée un statut de « facilitateurs » pour leur entourage. (...)

Les « représailles interdites » désignent, entre autres, l’ensemble des procédures-bâillons qui peuvent servir à intimider ou sanctionner les lanceurs d’alerte (par exemple, la poursuite en diffamation). Seulement, dans les faits, même si après des années de batailles juridiques un lanceur d’alerte finirait par gagner ce type de procédure, les frais engagés auront été très importants. (...)

Des lois contradictoires ?

La divulgation de n’importe quelle information « d’intérêt général » ne garantit pas automatiquement de bénéficier de la protection du régime d’alerte. Ainsi, la loi prévoit que le statut ne peut pas être appliqué à la divulgation d’informations relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaire, ainsi qu’au secret professionnel de l’avocat.

Un texte en particulier met en danger le statut de certains lanceurs d’alerte : la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires. (...)
Un lanceur d’alerte dont les révélations appartiennent à ce champ s’expose donc à des risques de dommages-intérêts très importants. (...)

Insécurité nationale

Le secret défense constitue lui aussi une limite à certaines alertes. L’actualité récente en a d’ailleurs fait la preuve, les 19 et 20 septembre 2023, lors de la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux. (...)

Les informateurs des journalistes –et les journalistes eux-mêmes– peuvent être des lanceurs d’alerte. C’est pourquoi la question de la protection des sources et celle des lanceurs d’alerte sont intrinsèquement liées. Katia Roux, chargée de plaidoyer Libertés chez Amnesty International France, travaille sur les menaces que représentent les technologies de surveillance pour la liberté d’expression et le droit à l’information. (...)

La loi française, si elle s’est alignée avec les recommandations européennes depuis 2022, ne protège donc pas toujours l’ensemble des lanceurs d’alerte dans les faits. À la question de savoir ce qu’une personne qui dispose d’informations « d’intérêt général » devraient faire en premier, Pierre Farge conseille : « Il faut impérativement mettre en sécurité les informations dont elle dispose. C’est la seule manière de se protéger s’il lui arrive malheur. »