
Entre reculs programmatiques, mesures anti-sociales et candidats racistes et antisémites, le Rassemblement national n’apparaît pas comme le parti qu’il prétend être : à savoir une formation politique "prête à gouverner", œuvrant pour les classes populaires et ayant fait le ménage dans ses rangs. Tour d’horizon des faux-semblants du parti d’extrême droite de Jordan Bardella et Marine Le Pen.
(...) Depuis le début de la campagne express des législatives, plusieurs mesures présentes en 2022 dans le programme présidentiel de Marine Le Pen ont ainsi été supprimées ou modifiées. Alors que l’ancienne députée du Pas-de-Calais proposait de supprimer la TVA sur une centaine de produits de première nécessité pour améliorer le pouvoir d’achats des Français, Jordan Bardella n’entend pas appliquer cette mesure dès cet été et la remet à un second temps, à partir de l’automne, "en cas de forte inflation". Dans l’urgence, seuls les carburants, l’électricité et le gaz seront concernés par une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 %.
Autres renoncements par rapport au programme présidentiel de 2022 : l’interdiction de l’abattage rituel (nourriture halal et casher) et l’interdiction des signes religieux ostensibles dans l’espace public. Avec cette dernière mesure, c’est bien le voile porté par des femmes musulmanes qui était visé, mais une telle interdiction supposait d’en faire de même pour la kippa portée par des hommes juifs. Or, dans un contexte où le Rassemblement national tente de se présenter comme un parti défenseurs des juifs, il est apparu compliqué de bannir le port de la kippa dans l’espace public. Cette question sera tranchée lors de la présidentielle 2027, a affirmé, dimanche 23 juin, Sébastien Chenu.
Par ailleurs, un certain flottement est apparu ces derniers jours concernant plusieurs mesures, dont l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, les prix planchers pour les agriculteurs ou l’augmentation salariale des enseignants. Ces trois propositions figurent finalement bien dans le programme de Jordan Bardella, mais sont édulcorées ou évasives. (...)
Des classes moyennes et populaires perdantes
Le Rassemblement national cible les classes moyennes et populaires avec un discours axé sur le pouvoir d’achat et la disparition des services publics dans de nombreuses zones rurales. Une stratégie qui lui réussit bien puisque que le parti fondé par Jean-Marie Le Pen est arrivé en tête aux élections européennes dans 93 % des communes rurales.
Mais au-delà des discours, les mesures proposées par le RN vont finalement peu dans le sens de ces catégories. (...)
Quant aux salaires, le RN ne prévoit pas d’augmentation du smic, mais compte les revaloriser grâce à "une incitation forte" en permettant aux entreprises de les augmenter "de 10 % jusqu’à trois fois le smic, en les exonérant de l’augmentation des cotisations patronales pendant trois à cinq ans".
Une mesure similaire à ce que font déjà depuis plusieurs années les gouvernements d’Emmanuel Macron, qui a pour politique d’augmenter le salaire net des Français en réduisant les cotisations salariales et patronales. Cette méthode entraîne une baisse des recettes de l’État et en particulier du financement de la sécurité sociale, des caisses de retraite et des allocations familiales, provoquant par ricochet une dégradation du système de santé, un déficit du système des retraites et des allocations en baisse ou restreintes, avec des conséquences négatives pour les classes moyennes et populaires. (...)
Un discours qui laisse entrevoir un serrage de vis budgétaire plutôt qu’un investissement dans les services publics, d’autant que le programme du RN n’entend pas compenser ses nouvelles dépenses, en matière de sécurité notamment, par de nouveaux impôts ciblés sur les plus aisés.
"S’ils prévoient d’ouvrir de nouveaux commissariats et brigades de gendarmerie, Marine Le Pen et Jordan Bardella portent un programme de démantèlement des services publics dans tous les autres domaines, notamment en matière de santé, d’éducation ou de transports", écrivent ainsi Louis-Samuel Pilcer, maître de conférences en économie à Sciences-Po Paris, Francis Soulas, haut fonctionnaire, et Riwan Yahmi, agrégé d’économie et de gestion, dans une note publiée lundi 24 juin par l’Observatoire de l’économie de la Fondation Jean Jaurès. (...)
Des candidats au profil sulfureux loin de la respectabilité recherchée par le RN
Le Rassemblement national a beau tout faire pour se présenter comme un parti respectable et tenter de faire oublier son étiquette d’extrême droite, plusieurs de ses candidatures sont épinglées à chaque élection. C’est à nouveau le cas en 2024 : des enquêtes journalistiques, de Libération et Mediapart notamment, ont révélé la présence aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet de candidats du Rassemblement national racistes, antisémites et complotistes. (...)
"Le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen a beau affirmer qu’il a changé, qu’il a écarté ses éléments les plus radicaux et qu’il se prépare depuis des années à accéder au pouvoir, rien n’y fait", affirme Mediapart, qui comptabilisait, vendredi 21 juin, 45 candidats jugés problématiques en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux.