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Mediapart
Enterrement du Service national universel : retour sur un fiasco
#SNU
Article mis en ligne le 26 septembre 2025
dernière modification le 24 septembre 2025

Le 19 septembre, un communiqué de presse a annoncé la « mise en extinction » du SNU. Porté par le gouvernement depuis 2019, ce dispositif censé remettre les jeunes français dans le droit chemin a coûté beaucoup d’argent et les cas de violences se sont multipliés.

(...) « Mise en extinction », c’est avec cette formule succincte que le gouvernement a annoncé, vendredi 19 septembre, la suppression du Service national universel (SNU). La phrase est glissée dans un communiqué de presse de Matignon sur la « création de la mission État efficace », qui liste les points d’économies budgétaires prévues.

Plus précisément, la délégation générale chargée du SNU devrait disparaître au 1er janvier 2026, intervenant « dans un contexte de mise en extinction du SNU et de création prochaine du service militaire volontaire ». Pour l’heure, aucune précision n’a été donnée sur ce dispositif destiné aux plus de 18 ans.

Rien ne se perd, tout se transforme, répond en substance Matignon. Contacté par Mediapart, le cabinet du premier ministre ne nous a pas répondu. (...)

C’est donc en catimini que le dispositif, créé en 2019 et longtemps porté par l’exécutif comme seule politique jeunesse d’envergure, s’éteint. Ironique quand on sait l’attachement d’Emmanuel Macron au sujet. Dans ses vœux de fin d’année 2022, il imaginait une généralisation à toute une génération (...)

Les divers ministres chargés de la question ont aussi payé de leur personne pour faire décoller le dispositif. (...)

Coût exorbitant

Dès sa création en 2019, ce stage empruntant aux codes du service militaire et ouvert aux jeunes de 15 à 17 ans a soulevé plusieurs questions. D’abord, sur sa philosophie.

Les ministres successifs responsables du SNU insistaient sur le brassage de jeunes issu·es de classes sociales différentes. (...)

En réalité, la mixité sociale n’est pas au cœur de la philosophie du dispositif. Il s’agit surtout de mettre la jeunesse au pas et de faire naître, en son sein, un sentiment national, comme l’expliquait dans nos colonnes la sociologue Florence Ihaddadene : « En France, les jeunes sont considérés comme des sous-citoyens ou des moindres citoyens qui doivent toujours prouver leur attachement à la nation. » (...)

Il y a aussi le coût exorbitant du dispositif. Si le budget prévisionnel était de 65 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2025, ce qui est déjà une somme importante, il s’est avéré encore plus élevé les années qui ont précédé (...)

Pour la Cour des comptes, le SNU est « un dispositif sans pilotage budgétaire » et dont le coût est « largement sous-estimé ». (...)

Violences

Enfin, une série de scandales a émaillé la mise en place du SNU, et ce, dès ses débuts.

En 2019, c’est une cérémonie dans l’Eure avec 25 jeunes qui font un malaise. (...)

En 2022, une punition collective pour les volontaires d’un séjour SNU à Strasbourg a pris la forme d’une session de pompes en pleine nuit. L’un des responsables a été suspendu, l’autre a démissionné. Dans deux autres séjours qui se sont déroulés à l’été 2022, en Île-de-France, de jeunes tuteurs ont témoigné de propos racistes, d’humiliations et de harcèlement sexuel de la part d’un commandant et d’un lieutenant-colonel, comme révélé par Politis. Durant la même période, une jeune fille a confié avoir été victime d’une agression sexuelle en Martinique, déclenchant une enquête judiciaire.

En 2023, c’est encore un encadrant qui a été suspecté de harcèlement sexuel sur une jeune de 16 ans, en Haute-Loire. (...)

En 2025, nos confrères de Rue89 Strasbourg ont encore révélé le cas de cet ancien président du syndicat UNI Strasbourg, exclu de l’université pour antisémitisme et pourtant recruté pour encadrer un séjour du SNU. La préfecture a annoncé sa mise à l’écart après la publication de l’article. Des exemples de ce type, la presse en est pleine depuis le lancement du dispositif. Et c’est probablement, dans l’esprit collectif, ce qu’il restera du SNU : une poignée de jeunes bénéficiaires, parfois traumatisé·es, pour un coût faramineux.