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Reporterre
En pleine sécheresse, Cristaline veut privatiser une nappe phréatique
#eau #nappesphreatiques
Article mis en ligne le 9 décembre 2023
dernière modification le 7 décembre 2023

Sous la terre toujours plus aride de Montagnac se trouve une nappe phréatique, profonde et étendue. Une ressource précieuse, que la mairie entend vendre à la marque Cristaline.

(...) « Pour nous, il s’agit d’une ressource formidable, qu’il faut préserver et gérer comme un bien commun », dit Christophe Savary de Beauregard. Mais l’équipe municipale et l’entreprise minéralière ne semblent pas du même avis. (...)

Cet aquifère karstique, qui couvre une superficie de 715 km² selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), aurait pu rester enfoui dans l’oubli. À Montagnac, un seul puits atteint cette eau souterraine : le forage de la Castillonne, abandonné depuis près d’une décennie.

« Il y a trente-cinq ans, deux paysans cherchaient de l’eau chaude pour chauffer des serres maraîchères, raconte le vigneron, incollable sur le sujet. Ils ont reçu une grosse enveloppe de l’Europe, et ils ont pu creuser à plus de 1 500 m. » Problème, l’or bleu qu’ils ont remonté des profondeurs dépassait à peine les 25 °C. Pas de quoi faire pousser des avocats en hiver. (...)

La mairie cède le terrain et le puits en toute discrétion

Les agriculteurs ont ensuite opté pour un élevage de silures, ce gros poisson alors prisé, devenu depuis une espèce envahissante. L’entreprise a périclité. Après la mort du dernier des frères, la commune de Montagnac a racheté en 2018 le forage et les parcelles adjacentes, pour la modique somme de 30 000 euros. Pour Christophe Savary de Beauregard, comme pour la plupart des habitants, l’affaire s’était arrêtée là.

Mais l’hiver dernier, le viticulteur a découvert, en discutant avec des voisins, qu’une entreprise était venue les démarcher pour « faire passer des tuyaux sur leurs parcelles ». De fil en aiguille, il finit par remonter à la source. Le 29 septembre 2022, le conseil municipal avait validé — en toute discrétion et en grande hâte — la cession du terrain et du puits au groupe Sources Alma. Qui avait démarré fissa les négociations en vue de poser des canalisations entre le site de pompage, sur le Domaine de la Castillone, et l’usine d’embouteillage, qui pourrait s’installer le long de la départementale 613 (...)

Dans le recours déposé pour faire annuler cette délibération que Reporterre a consulté, un autre argument est avancé : « Le prix auquel les parcelles ont été vendues paraît inférieur au prix du marché. » 30 000 euros pour un forage de cette dimension : « Le groupe Alma a fait une très bonne affaire », glisse, amer, l’agriculteur. Et le village de 4 300 âmes s’est ainsi privé d’une précieuse ressource.

Un « foirage écologique » (...)

Pour l’association Veille Eau Grain, cette perspective est cauchemardesque : « Ce forage est un foirage écologique », peut-on lire dans un de ses communiqués. Faute d’informations de la part de la mairie ou de l’industriel, les habitants ont sorti leur calculette : 88 camions par jour pour transporter les packs d’eau, un chiffre d’affaires journalier de quelque 240 000 euros… et une ressource « qui pourrait alimenter 20 000 personnes pendant quinze ans » si elle était gérée publiquement. Conclusion du collectif : la nappe et le forage « doivent être préservés pour les générations futures » (...)

« rien ne se fera avant le premier trimestre 2025, quand nous aurons le rendu de l’étude d’impact qui vient d’être lancée en juillet dernier », précisait cet été à Ouest-France Samuel Vauthrin, responsable ressources en eau de Sources Alma.

Une étude attendue de pied ferme par les habitants et les associations locales, notamment France Nature Environnement (FNE). (...)

Pourrait-il affecter les autres activités dépendant de l’eau souterraine, comme la station thermale de Balaruc-les-Bains ? Y a-t-il un risque d’inversac, une remontée d’eau salée dans les nappes quand la sècheresse se fait trop importante sur le littoral ? Quid d’une possible pollution de l’étang voisin, connu pour sa production ostréicole ? Autant de questions qui détermineront la suite du projet.

En attendant ces résultats, l’association Veille Eau Grain va poursuivre ses recours devant la justice. (...)