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France24
En Espagne, le gouvernement souhaite régulariser 900 000 sans-papiers en trois ans
#Espagne #migrants #immigration #sansPapiers #travail
Article mis en ligne le 22 décembre 2024

À contrepied de ses voisins européens qui durcissent leur politique migratoire, l’Espagne a adopté le 19 novembre une réforme pour faciliter la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière. Le texte répond avant tout aux besoins économiques du pays.

(...) Maintenir "le niveau de vie" de l’Espagne d’ici 2050

Approuvée fin novembre par le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, cette réforme a pour objectif d’accélérer l’obtention des permis de séjour et de flexibiliser leurs conditions d’attribution. Elle pourrait permettre la régularisation de 300 000 travailleurs sans-papiers par an d’ici 2027. Une main d’œuvre indispensable pour maintenir "le niveau de vie" de l’Espagne d’ici 2050, selon le gouvernement. Le pays est touché par le vieillissement démographique, et son taux de natalité est parmi les plus bas d’Europe.

Les régularisations devraient bénéficier à plusieurs secteurs économiques en tension, comme ceux de la construction, de l’agriculture, de l’hôtellerie ou de la restauration. Les étrangers y représentent déjà jusqu’à la moitié des effectifs. Fran de las Heras, propriétaire d’un restaurant dans le centre de Madrid, ne cache pas sa joie. Pour ce professionnel, la réforme était indispensable (...)

D’après la dernière enquête de la principale association hôtelière espagnole, plus de 60 % des restaurateurs auraient du mal à recruter. "J’espère que cette réforme va équilibrer l’offre et la demande, et que tout ira mieux" observe Fran. (...)

Une vision "plus humaine" de la migration

La réforme répond à un impératif économique, mais pas seulement. Pour Elma Saiz, la ministre de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations, à l’origine de cette réforme, le texte a aussi une portée "humaniste". "Nous sommes conscients de l’importance des liens familiaux, et nous avons pour cela assoupli les conditions nécessaires au regroupement familial", souligne la ministre socialiste qui s’exprime aussi bien en espagnol qu’en français.

Avec cette réforme, les couples n’auront plus besoin d’être mariés pour solliciter le regroupement familial, tant qu’ils peuvent prouver leur relation "intime". L’âge limite des enfants pour être éligible à ce motif d’immigration sera quant à lui porté à 26 ans — contre 21 ans actuellement et 18 ans en France. (...)

Pour Elma Saiz, ce nouveau règlement sur l’immigration est "nécessaire", mais aussi bénéfique à l’ensemble de la société. Pour appuyer son propos, elle cite régulièrement la formule lancée par le Premier ministre Pedro Sanchez à la tribune du Congrès des députés le 9 octobre : "L’Espagne doit choisir : être un pays ouvert et prospère ou un pays fermé et pauvre. Nous avons choisi la première option".

Avec l’adoption de cette loi, l’Espagne devient, selon la ministre socialiste, "le phare de l’Europe" et l’ambassadrice d’une "politique migratoire qui met au centre les droits humains". Un défi de taille pour le pays. Il est l’une des principales portes d’entrée des migrants en Europe (...)

Cette politique migratoire "humanitaire et responsable", n’est pas du goût de toutes les formations politiques. "Vous êtes en train de prendre des décisions, Madame la ministre, très dangereuses", a chargé le 27 novembre la députée du parti d’extrême droite VOX, Rocio de Meer, devant le Parlement : "elles vont transformer notre nation, et pourraient l’anéantir à long terme". La très conservatrice andalouse a dénoncé "l’effet d’appel" que la réforme allait provoquer. VOX a présenté une motion de censure pour abroger le texte. Elle a été rejetée grâce aux votes de la gauche, de l’extrême gauche et de plusieurs partis indépendantistes. La droite s’est quant à elle abstenue.

Les demandeurs d’asile, "perdants" de la réforme

Pour les associations d’aide aux migrants, la réforme a aussi des zones d’ombre. Selon Elena Muñoz, avocate et spécialiste du droit d’asile, si elle bénéficiera à de nombreux travailleurs étrangers, étudiants et familles, elle va néanmoins porter préjudice aux plus de 190 000 demandeurs d’asile en attente de traitement de leur dossier.

Auparavant, les migrants dont la demande d’asile était refusée pouvaient immédiatement solliciter un autre type de permis de séjour en prouvant qu’ils avaient vécu deux ans ans sur le territoire espagnol. Avec la réforme, le temps passé par les migrants en Espagne durant le traitement de leur demande d’asile — environ deux ans — ne sera plus pris en compte. S’ils sont déboutés, les compteurs seront remis à zéro (...)

"Nous, les Espagnols, sommes les enfants de la migration. Nous ne serons pas les parents de la xénophobie. Faisons une politique migratoire dont nos aînés peuvent être fiers. Et faisons une politique migratoire qui garantit l’avenir de leurs petits-enfants." a conclu le 9 octobre le Premier ministre devant le Parlement.