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l’Humanité
En Corée du Sud, l’antiféminisme au cœur des législatives
#sexisme #machisme #femmes #CoréeduSud
Article mis en ligne le 14 avril 2024
dernière modification le 13 avril 2024

Les législatives coréennes, qui ont lieu ce mercredi (10 Avril), seront un test pour le président conservateur Yoon Suk-yeol. À la tête du pays ayant la plus faible natalité au monde, le dirigeant de droite cherche à séduire les jeunes masculinistes de la péninsule, particulièrement violents envers les femmes.

Juin 2019. Trois streameurs (diffuseurs de vidéos) coréens de la plateforme Twitch sont bannis trois petits jours pour avoir harcelé et insulté une collègue, BJ Jammi, la vingtaine, qui a réuni une petite communauté en proposant des reprises musicales et du cosplay.

De son vrai nom Jo Jang-mi, la jeune femme est victime de menaces incessantes de la part des fans des streameurs misogynes. En 2020, elle baisse la cadence à cause d’une dépression sévère. Avant de se suicider en janvier 2022, à 27 ans. La cause du harcèlement de ses bourreaux ? Un signe du doigt et de l’index fait lors d’une diffusion de Jammi, censé représenter la petite taille des sexes des hommes coréens. Il n’en fallait pas plus.
« Chez les jeunes hommes, l’idée d’injustice s’est propagée »

« Une femme a été attaquée par un masculiniste parce qu’elle avait les cheveux courts ! » s’indigne Kim Ju-hee, meneuse du collectif féministe sud-coréen Haeil (« la vague »). La jeune femme en question avait été rouée de coups en novembre 2023 par un homme se réclamant du groupuscule antiféministe Men’s Solidarity.

Un an plus tôt, une Séoulite avait été assassinée dans des toilettes publiques par un ancien collègue qui la harcelait, malgré deux plaintes déposées. Les lieux publics comme les vestiaires et les toilettes sont aussi la cible du « molka », du voyeurisme à l’aide de caméras cachées, pour lequel 30 000 Coréens ont été arrêtés entre 2013 et 2018.

Ces affaires soulignent une hausse inquiétante des violences sexistes et sexuelles dans le pays, et une véritable radicalisation des jeunes hommes. Pour Alice Evans, chercheuse au King’s College de Londres, « l’étincelle #MeToo a trouvé une amorce particulièrement sèche en Corée du Sud, où (…) la misogynie pure et simple est courante ». (...)

Et en temps de crise, les dirigeants blâment volontiers le ventre des femmes. Le pays possède la plus faible natalité au monde avec 0,72 enfant par femme, un taux en baisse depuis quatre ans. En 2023, seuls 230 000 nourrissons y sont nés. En poursuivant cette tendance, les Sud-Coréens ne seront plus que 26,8 millions en 2100, contre 51 millions aujourd’hui, selon l’Institute for Health Metrics and Evaluation, un institut universitaire basé à Seattle, aux États-Unis. (...)

Les politiciens surfent sur la vague (...)

Malthus et Confucius

Le sexisme a toujours été présent en Corée du Sud à cause des traditions patriarcales et d’une idéologie confucianiste qui « exige le sacrifice des femmes et leur asservissement à la vertu de la famille », note le chercheur Ji Yeong-yun dans la revue Esprit. Mais la croissance de ce phénomène viendrait en partie d’une opposition primaire au féminisme, « maladie mentale » d’après les contre-manifestants d’un récent rassemblement de femmes pour l’IVG – décriminalisée depuis 2021 seulement.

Les masculinistes coréens se sentiraient déclassés, à l’image des « incels », ces jeunes hommes célibataires et misogynes qui décrédibilisent et diabolisent les femmes, responsables selon eux de leur situation précaire et de leur échec social. (...)

Cette sensation de perte de privilèges est pourtant fausse. Treizième puissance économique mondiale en 2023, la Corée du Sud n’est que 105e sur 146 pays au classement du Gender Gap Index, qui jauge l’égalité entre les genres. Seules 57 femmes (sur 300 députés) sont élues au Kuk Hoe, que vise Yoon Ji-hye. « C’est surtout sur les réseaux que s’exprime le sexisme, affirme-t-elle. Le cyber-harcèlement est extrême, avec des hommes qui fouillent dans votre vie et l’étalent en ligne. »

La libéralisation de la société est aussi en cause. Des enquêtes menées auprès des jeunes de la péninsule ou de l’archipel voisin du Japon, qui connaît le même sort, révèlent une société hyperconcurrentielle, une « culture d’entreprise prenante » et un « coût de la vie » trop élevé, les freinant pour s’engager ou élever un enfant. « Il est indéniable qu’une part de la culture incel vient du capitalisme et de la compétitivité à outrance, observe Kim Ju-hee. Le fossé économique se creuse, en même temps que la capacité à avoir de l’empathie envers autrui. » (...)

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