
Le mouvement altermondialiste s’oppose depuis 30 ans aux accords de libre-échange. Que pense-t-il de la guerre commerciale engagée par Donald Trump à coups de droits de douane prohibitifs ? Réponses avec Nicolas Roux, de l’association Attac.
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a décidé d’imposer des droits de douane élevés sur les produits importés du Canada, du Mexique, de Chine, et d’Union européenne (UE). Les importations en provenance des deux voisins des États-Unis seront désormais taxées à hauteur de 25 %, exception faite des hydrocarbures canadiens, taxés à 10 %.
Les États-Unis ont aussi imposé des droits de 25 % sur l’acier et l’aluminium venus d’Europe. La Commission européenne a répliqué en annonçant à son tour 25 % de taxes sur une série de produits américains, dont les motos ou les bateaux. Trump veut de son côté taxer à 200 % les champagnes et les vins français et européens.
Face à cette guerre commerciale, quelle est l’alternative ? Qu’en dit le mouvement altermondialiste ? On en parle avec Nicolas Roux, membre du conseil d’administration de l’association altermondialiste Attac. (...)
Nicolas Roux (...)
Le chef de l’État le plus puissant du monde se comporte comme un empereur, comme un autocrate, et rappelle à l’ordre sa sphère d’influence, le Canada, l’Amérique latine, les Européens, etc. Nous sommes face à un capitalisme autoritaire.
Diriez-vous quand même que Trump mène une politique protectionniste avec ces tarifs douaniers ?
Il y a une forme de protectionnisme, mais ça va au-delà. Il faudrait peut-être déjà commencer par démystifier le mot protectionnisme. Parce que depuis une trentaine d’années, avec l’avènement de la mondialisation néolibérale dans les années 1990 à la chute du bloc soviétique, c’est presque devenu un gros mot. La vision qui domine alors, c’était la mondialisation heureuse, selon laquelle on allait tous devenir plus prospères. Cela ne s’est pas vraiment passé comme ça. Mais le message était si fort que toute critique de cette mondialisation était perçue comme un renfermement sur soi-même.
Alors que le protectionnisme, ce n’est pas le repli sur soi. C’est mettre un peu plus de régulation, avec différents degrés. On peut être un peu protectionniste ou très protectionniste. Toutes les grandes puissances actuelles, que ce soit la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, le Japon, la Corée, toutes se sont développées par l’intermédiaire de politiques protectionnistes. Mais ce que fait Trump, c’est plutôt de la coercition. (...)
aujourd’hui, on peut se demander si le reste du monde va suivre la dérive autoritaire des États-Unis. (...)
En quoi les règles imposées par les accords de libre-échange posent-elles problème ?
Les accords de libre-échange, ce sont essentiellement des règles, certes, mais qui entrent dans l’esprit néolibéral du commerce telles qu’il s’est installé dans les années 1990. Ce sont des règles qui profitent, pour le dire de manière un peu caricaturale, aux grandes multinationales.
Dans une immense majorité de cas, les règles de ces accords visent à libéraliser les économies des parties de l’accord. Par exemple, pour permettre aux entreprises étrangères d’accéder à des marchés nationaux, y compris de services publics. Mais, dans d’autres cas, ces règles visent plutôt à protéger les monopoles de grandes entreprises, par exemple dans le secteur pharmaceutique, en allongeant la durée des brevets sur les médicaments.
Les entreprises qui poussent pour ces accords, ce sont souvent les grandes entreprises. Le principe du néolibéralisme, en quelque sorte, c’est de laisser les entreprises gérer la régulation du commerce international. Et, en gros, le rôle de l’État néolibéral est de mettre en place ces règles qui permettent aux entreprises de gérer.
Il faut une régulation, de mon point de vue, mais une régulation publique, et ne pas laisser les entreprises faire ce qu’elles veulent. En 2022, Facebook avait essayé de mettre en place sa propre monnaie virtuelle. Et là, les banques centrales, donc les États, ont dit « non ». Ils savent donc le faire s’ils le veulent.
Face aux nouveaux tarifs douaniers des États-Unis, quelle est l’alternative ?
Des gens travaillent depuis des décennies sur des systèmes alternatifs. Que ce soient des économistes, des ingénieurs, des politologues, des juristes, etc. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, écrivait il y a déjà vingt ans des articles où il expliquait comment on peut avoir un système commercial qui soit bénéfique pour tout le monde. Une des premières choses par exemple, c’est le partage des connaissances, le transfert de technologies. Or, les accords libre-échange mettent de nombreux freins au partage de la connaissance. (...)
Une piste est de réfléchir à un système de solidarité. Dans un système commercial plus solidaire, on peut mettre en place plus de protectionnisme sur certains secteurs et plus d’ouverture sur d’autres. Après, la vraie question, ce n’est pas tant celle des alternatives, qui sont développées en théorie depuis des années. C’est la volonté politique. (...)
Ce que fait Trump, c’est de pousser la logique favorable aux grandes entreprises encore plus loin. On le voit avec les Gafam [Google, Apple, Facebook (aujourd’hui Meta) et Amazon, ndlr], avec Elon Musk. Il y a vraiment une clique de la Silicon Valley et d’autres grandes entreprises qui se rallient entièrement à Trump. Mais dans l’Union européenne aussi, la politique commerciale de l’UE est largement influencée par Business Europe, qui est le Medef européen.
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– (France24/AFP)
Trump annonce des droits de douane de 25 % sur les voitures qui ne sont pas produites aux États-Unis
Le président américain Donald Trump a annoncé mercredi 25 % de droits de douanes supplémentaires pour toutes les voitures qui ne sont pas fabriquées aux États-Unis. Le taux jusqu’ici appliqué était de 2,5 %. Les voitures importées seront désormais taxées à 27,5 % de leur valeur : un nouveau coup dur pour le secteur automobile. (...)
Et un de plus. Après l’acier et l’aluminium, et en attendant le bois de construction ou le cuivre, le président américain, Donald Trump, a ajouté mercredi 26 mars un nouveau secteur d’activité à sa liste, en annonçant 25 % de droits de douane supplémentaires sur le secteur automobile. (...)
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Le principe des droits de douane "réciproques" est que les produits provenant d’un pays et entrant aux États-Unis seront désormais taxés au même niveau que le sont les produits américains exportés vers ledit pays.
Mais s’il avait affirmé dans un premier temps qu’il n’y aurait "ni exemption, ni exception", Donald Trump a assuré mercredi que ces nouvelles taxes seraient "très clémentes".
"Cela concernera tous les pays et on fera en sorte qu’elles soient très clémentes. Je pense que les gens vont être très surpris", a-t-il ajouté. (...)
La décision des Etats-Unis d’imposer des droits de douane de 25% sur les importations de voitures est une "attaque directe" contre les travailleurs du Canada, a déclaré mercredi le Premier ministre canadien, Mark Carney. (...)
Le gouvernement japonais a par ailleurs mis en garde jeudi contre l’"impact considérable" de l’offensive douanière du président américain Donald Trump sur les relations commerciales et économiques nippo-américaines, ainsi que pour l’économie mondiale dans son ensemble. (...)