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Drame migratoire en Méditerranée : "Ils voyaient un bateau au loin et sautaient dans la mer"
#Mediterranee #migrants #immigration #naufrages #Frontex
Article mis en ligne le 9 mai 2025
dernière modification le 7 mai 2025

Le 13 mars 2024, l’Ocean Viking met le cap sur un bateau en bois qui lui a été signalé. Les sauveteurs tombent par hasard sur un autre bateau, un canot pneumatique qui transporte 23 migrants. Cela fait sept jours qu’ils sont à la dérive, environ 65 personnes sont déjà mortes. Un rapport d’Alarm Phone met en cause les garde-côtes italiens et Frontex : selon leurs informations, ce bateau a été sciemment laissé à la dérive. Les survivants racontent à RFI ce qu’il s’est joué à bord.

C’est la deuxième nuit et la situation commence à se dégrader. Les vagues sont énormes, le moteur ne fonctionne plus. Depuis plusieurs heures, le bateau pneumatique dérive au large des côtes libyennes et se remplit d’eau qu’il faut écoper sans cesse. Seules les lumières d’une plateforme pétrolière éclairent la nuit noire. Certains passagers ont des hallucinations, se souvient Ali, un Gambien qui a 17 ans lors du voyage : "Un homme disait : ’’Je vais marcher, me mettre debout et monter dans la voiture." Il délirait, mais à ce moment-là, personne n’était encore mort".

Cette traversée, c’est le premier face à face d’Ali avec la mort. Dès le deuxième jour, il n’y a plus rien à manger et de l’eau de mer comme seule boisson. À partir du quatrième jour, les décès s’accélèrent : "Certains sautaient dans l’eau, raconte le jeune homme. Personne ne les a poussés. Parfois, ils voyaient un bateau au loin et sautaient par-dessus bord pour le rejoindre".

De l’autre côté du bateau, Modou, 21 ans, reste concentré sur son objectif : atteindre l’Europe. Comme Ali, il essaie de ne pas dormir ou le moins possible et de rester en vie. C’est la deuxième fois qu’il tente de monter à bord d’un bateau après que le premier a coulé à quelques mètres de la plage du départ en Libye. "J’ai subi beaucoup de tortures, beaucoup de problèmes... Il fallait que je parte, confie Modou. J’ai un vécu très difficile. Je vivais en Casamance, au Sénégal, dans la zone la plus difficile. À cinq ans, je me suis séparé de ma mère. J’ai toujours travaillé seul. C’est cette force qui m’a donné cette énergie."

Au total, 23 personnes ont survécu à cette traversée, des Gambiens, des Maliens et des Sénégalais. Ils vivent aujourd’hui en Italie où ils attendent leurs papiers, et l’un d’entre eux vit en Espagne. Tous ont refusé de reparler de ce voyage. Mais ils ont demandé à Modou de parler pour eux, en leur nom. "La partie la plus importante, affirme Modou, c’est de raconter vraiment la situation de tous ceux qui ont perdu la vie en mer et qui ne sont pas arrivés jusqu’ici. Ce sont des personnes qui étaient chargées d’une mission, d’un objectif : apporter de l’espérance à leur famille". (...)