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Rue 89 Strasbourg
Des professionnels de santé de Strasbourg opposés à une suppression des soins gratuits aux migrants
#AME #santé #exiles #migrants
Article mis en ligne le 28 novembre 2023

Votée par le Sénat le 14 novembre, la transformation de l’aide médicale d’État en aide médicale d’urgence pourrait éloigner les sans-papiers du parcours de soins et favoriser la prolifération de maladies infectieuses. À Strasbourg, cette perspective inquiète les soignants interrogés.

« Si le texte passe, on continuera de soigner les gens, mais avec des moyens de plus en plus dégradés ». Yvon Ruch est infectiologue aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS). Il traite par exemple des patients atteints du VIH ou de la tuberculose, des maladies infectieuses qui – si elles ne sont pas soignées – conduisent à la mort du patient. « Pour le moment, nous traitons les personnes même aux stades peu avancés de la maladie. Si l’aide médicale d’État est supprimée, nous ne verrons que les cas les plus graves. »

D’une aide d’État à une aide d’urgence (...)

Dans le texte tel qu’amendé par le Sénat, la possibilité d’avoir accès à l’AMU sera conditionnée au versement d’une somme annuelle, fixée par décret – sauf décision individuelle du ministre en charge de l’action sociale. Cette aide d’urgence permettra aux sans-papiers d’avoir accès « gratuitement » aux soins pour « la prophylaxie, le traitement des maladies graves et les soins urgents », « les soins liés à la grossesse et ses suites », « les vaccinations réglementaires » et « les examens de médecine préventive ».

« Beaucoup de nos patients sans-papiers ne savent pas qu’ils sont malades », explique le docteur Yvon Ruch. « Dans les cas de migrants, beaucoup sont contaminés lors de leur parcours migratoire. Supprimer l’AME revient à les éloigner du système de santé et donc n’avoir connaissance de leur maladie que lorsqu’elle est arrivée à un stade avancé », poursuit-il.

Un « mauvais calcul » selon l’infectiologue, qui prend l’exemple de la tuberculose pour appuyer son propos (...)
D’autant plus que la tuberculose est une maladie contagieuse si elle n’est pas traitée. (...)

Une population déjà éloignée du système de santé

Le docteur Ruch craint qu’une grande partie de ces patients ne se déplacent qu’en toute dernière nécessité, lorsque leur état de santé est déjà très dégradé. Une crainte partagée par l’ONG Médecins du Monde, qui estime que les publics pouvant bénéficier de l’AME sont souvent peu informés sur leurs droits.

Son coordinateur en Alsace, Nicolas Fuchs, indique ainsi que huit personnes sur dix qui se présentent dans les centres d’accès aux soins et d’orientation (Caso) de l’organisation ont droit à l’AME mais ne le savent pas. (...)

« Si l’AME est supprimée, ce sont nos Caso et la permanence d’accès aux soins de santé (Pass) des HUS qui vont absorber ces nouveaux patients. Et aucun des deux dispositifs n’en a les moyens, » conclut Nicolas Fuchs. Rappelant que pendant l’épidémie de Covid-19, « personne n’aurait remis en cause l’AME ou la gratuité des tests ».

D’autant plus qu’une prise en charge uniquement en cas d’urgence ne permettrait pas de traiter correctement certaines pathologies, car le parcours de soin serait entrecoupé. (...)

« Quand un patient vient nous voir, on ne lui demande pas ses papiers »

Pour Vincent Poindron, la fin de l’AME est une mesure uniquement politique qui mettrait les médecins dans une position éthique insupportable (...)

Dans un appel signé par 3 500 médecins, ceux-ci s’annoncent prêts à désobéir et à continuer de soigner gratuitement les malades si l’AME venait à disparaître. Une promesse que nuance Yvon Ruch : « Il est envisageable de continuer à soigner sans que les patients n’aient de couverture sociale. Par contre si les personnes ont besoin de radios ou de scanners, ça peut être plus compliqué ». (...)