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Mediapart
De Sivens à Sainte-Soline, l’eau est devenue une cause majeure de mobilisation
#eau #RemiFraisse #Sivens
Article mis en ligne le 27 octobre 2024

Une décennie après la mort de Rémi Fraisse, tué par les gendarmes sur la ZAD contre le barrage de Sivens, les mobilisations pour la défense de l’eau ont pris beaucoup d’ampleur. Par son universalité, la cause de l’eau est un réservoir inépuisable de radicalité.

(...) C’est là que le botaniste de 21 ans a été tué, en pleine nuit, par une grenade lancée par la gendarmerie, sur la ZAD qui s’était formée pour s’opposer au projet de barrage de Sivens. (...)

Le site emblématique de la lutte contre le barrage a été réhydraté. Mais des séquelles demeurent : des peupliers, grands buveurs d’eau, s’y sont implantés et perturbent l’équilibre encore fragile de cet écosystème en voie de réparation.

Le nom de Rémi Fraisse continue d’être scandé dans les rassemblements contre les violences policières. Son portrait, parfois décoré de renoncules, la fleur jaune dont il était spécialiste, se retrouve toujours sur des banderoles, à côté de celui d’Adama Traoré, de Zyed et Bouna et d’autres victimes. La brutalité des forces de l’ordre lors de la manifestation contre la mégabassine de Sainte-Soline, en mars 2023, durant laquelle plus de 5 000 grenades ont été tirées sur les manifestant·es, a fait craindre qu’une nouvelle fois, une personne meure en manifestation. (...)

La lutte de Sivens reste un symbole de la violence d’État. Elle est aussi un jalon dans l’histoire récente des mobilisations écologistes : le premier mouvement pour l’eau à prendre une ampleur nationale. (...)

« Petit à petit, un imaginaire s’est construit autour de l’idée que l’eau est vitale, et que des gens sont prêts à se battre et à aller assez loin pour gagner. »
Benoît Feuillu, membre des Soulèvements de la terre (...)

En Vendée et dans les Deux-Sèvres, la question du partage de l’eau et de la préservation des écosystèmes est une histoire ancienne : les premières bassines datent de 2006, bien avant la mobilisation contre le barrage de Sivens. Puis sont arrivés les projets de mégabassines de la Sèvre niortaise, et c’est là que la mobilisation a pris de l’ampleur. (...)

Dans le Tarn et dans les Deux-Sèvres, on retrouve le même acteur économique dominant : la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), une société d’économie mixte créée en 1959 par le général de Gaulle, et qui est aujourd’hui l’une des grandes architectes du développement des mégabassines en France. Les mêmes politiques d’irrigation intensive et d’appropriation de l’eau font l’objet d’une contestation qui a changé d’échelle en dix ans, tandis que les effets du dérèglement climatique se faisaient de plus en plus sentir. (...)

En 2009 et 2010, quand démarre l’occupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, contre un projet d’aéroport, les premiers et premières militantes rejoignent les paysan·nes qui veulent protéger leurs terres et leurs fermes. Mais le mouvement s’affirme aussi en défense de la zone humide qui a pris place entre les champs, avec ses mares, ses roseaux et sa faune : le triton devient un animal totem de la lutte. (...)

À cette époque, une ZAD se crée dans la forêt de Chambaran, en Isère, contre un projet de Center Parcs et pour protéger la zone humide du site de Roybon. Et une autre s’installe à Sivens. Un « front pour l’eau » voit le jour, poursuit le militant, et emporte des victoires : l’aéroport, le Center Parcs et le barrage ont été successivement abandonnés.

En 2022, un rituel a été organisé sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour fêter les dix ans de la résistance à l’opération César, nom que le gouvernement socialiste de l’époque avait donné à son opération d’évacuation de la zone – piteusement abandonnée au bout de quelques semaines. (...)

Par son universalité, la question de l’eau est un réservoir inépuisable de radicalité. Contre les mégabassines, les personnes mobilisées sont devenues de plus en plus nombreuses au fil des ans. (...)

En divers endroits, les gens se questionnent sur un partage inégal de l’eau, et cela ne se limite plus aux plaines irriguées du grand ouest de la France. (...)

la question n’est plus le dispositif technique, mais bien celle du partage et du choix des usages. Que faire avec cette eau, et au profit de qui ? Veut-on de l’eau potable, veut-on son maintien dans les milieux naturels, ou veut-on en tirer un profit économique ?

Projet de retenue d’eau pour de la neige artificielle à la station de ski de La Clusaz (Haute-Savoie), projet ferroviaire du Lyon-Turin, bassines du Puy-de-Dôme, ou encore projets de réservoirs dans les départements du Gard et de l’Hérault à destination d’une viticulture manquant de plus en plus de ressource hydrique : tous ces aménagements venant perturber des milieux où l’eau est prélevée déjà depuis des décennies sont de plus en plus contestés. (...)